Le 9 mai 2024 au mémorial de Gentelles, dépendant de la commune de Boves (Somme) une cérémonie s’est tenue en hommage à Marcel Payment, résistant, à l’initiative de la municipalité de de Mers-les-Bains (Somme), en la présence de madame Ingrid Dordain, députée de la 2e circonscription de la Somme, monsieur Xavier Commercy, maire de Gentelles, de monsieur Michel Delépine, maire de Mers-les-Bains et de madame Anatolie Mukamusoni, présidente de ’association Centre de Mémoire et d’Histoire-Somme-Résistance et Déportation .
Marcel Payment, né le 26 juin 1924 au Tréport (Seine-Inférieure, Seine-Maritime) travaille comme commis de boucherie à Mers-les-Bains quand en décembre 1942, il est réquisitionné pour l’organisation Todt chargé d’ériger les fortifications sur les côtes de la Manche. Au 1er février 1943, il choisit d’être réfractaire. Obligé de quitter Le Tréport, il se cache à Ochancourt (Somme) où il trouve un emploi chez un entrepreneur de battage.
Il n’a que 19 ans lorsqu’il s’engage en 1943, sous le pseudonyme d’Henri, dans la 3e compagnie des Francs-Tireurs Partisans du Vimeu. Il participe alors à de nombreux sabotages, notamment celui commis le 28 octobre 1943 sur la ligne Abbeville-Le Tréport provoquant le déraillement de 25 wagons transportant des troupe allemandes . Le 1er janvier 1944, avec trois compagnons, il met hors service la voie ferrée Amiens-Boulogne, à hauteur de Noyelles.
Arrêté le 15 avril 1944 sur son lieu de travail, il est emmené à la prison d’Abbeville, puis transféré deux jours plus tard à la citadelle d’Amiens. Il est exécuté dans la nuit du 8 au 9 mai 1944 au bois de Gentelles à Boves avec 7 autres résistants .Les corps jetés dans une sape datant de la Première Guerre mondiale sont découverts le 17 septembre 1944 en même temps que ceux de 18 personnes dissimulées dans une seconde sape. Les corps non identifiés sont alors enterrés au cimetière de la Madeleine à Amiens.
Les parents de Marcel Payment doivent attendre le retour de déportation en août 1945 du chef de groupe FTP pour apprendre que leur fils été sorti de cellule pour une destination inconnue. .Ils reconnaissent son corps exhumé à une de ses dents brisée, à ses vêtements et à son ceinturon.. La dépouille de Marcel Payment est transféré dans le caveau familial à Mers-les-Bains (Somme).
Il lui est décerné la mention « Mort pour la France » et la carte de combattant volontaire de la Résistance à titre posthume.
Son nom est inscrit sur le monument commémoratif aux fusillés du bois de Gentelles. Le maire de Mers-les-Bains, Michel Delépine, a l’intention de demander au conseil municipal d’attribuer le nom de Marcel Payment à une des rues de la ville.
Pour aller plus loin : la fiche rédigée par Daniel Pillon et Catherine Roussel dans le dictionnaire biographique Le Maitron.
Cellules de la citadelle de Doullens, photographie de Danielle Cherrier
…" C'est du 27 août 1941 au 31 juillet 1943 que la Citadelle de Doullens devint un camp d'internement administratif. Elle pouvait recevoir jusqu'à 600 internés. Début 1942, on comptait 324 prisonniers politiques dont certains étaient des éléments communistes, des syndicalistes, des responsables d'organisation de gauche. Une surveillance attentive s'imposait. Les contrôles de la police "spéciale", de la kommandantur, de la gendarmerie et des inspecteurs de police étaient sur place avec un personnel comptant au 9 mars 41 personnes d'encadrement.
Les sanctions tombaient rapidement, la Gestapo surveillait les internes avec une "haute main" sur la discipline…".
Trois personnes seront fusillées dans les fossés de la Citadelle de Doullens le 29 juin 1940 après un jugement rendu par le Tribunal militaire allemand.
Le 31 janvier 1943, deux internés "se firent la belle". De nombreux transferts comme ceux de 7 Israélites de la Somme enlevés par les nazis connaîtront la "solution finale".
Les prisonniers, dans leur ensemble, étaient originaires de cinq départements : le Nord, le Pas de Calais, la Somme, l'Oise et l'Aisne."
Extrait d'une intervention d'André Chauvin du 24 mai 1984, Résistant-Déporté, maire honoraire de Saleux, lors d'une Assemblée Générale des Anciens Combattants et Victimes de Guerre.
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Pour prolonger, le site dédié à la citadelle de Doullens
Le tribut payé par Villers-Bretonneux est lourd.
Les miliciens et agents français, à la solde de la Gestapo, seront nombreux, répartis sur notre territoire. Aussi aberrant que cela puisse paraître, il existe de tels individus. Ces parias, des dégénérés, dénonceront des personnes appartenant aux partis politiques.
La milice, à l’origine, prétend être une manière de la « chevalerie », l’élite active de cette grande masse, un peu floue qu’est la légion des combattants. Son chef, Darnand est un héros des deux guerres, l’homme des coups de main et des corps francs, foncièrement anti allemand, qui finira par servir sous l’uniforme de la Wehrmacht.
Des bienpensants adhérents à la milice par anti communisme aveugle ; leur recrutement variera d’un département à l’autre, tantôt récoltant l’ancien personnel des lignes, tantôt groupant des jeunes écoeurés de la défaite.
A côté d’eux vont s’agglomérer bientôt des hommes de main, repris de justice ou voyous à qui la milice permettra d’assouvir leur cynisme.
La milice comptera jusqu’à 15 000 hommes à son école à Uriage où sont censés se préparer ceux de demain qui seront les maîtres à agir et à penser du pays, ce qui n’empêchera pas certains d’entre eux de piller et de violer.
Ces inconscients cherchant, pour se justifier, des alibis : ils font valoir que jamais ils n’ont combattu contre les forces régulières françaises : les maquisards, évidemment, à les croire, sont des hors la loi, des bandits.
Parmi les combattants des maquis ou la Résistance, ils distinguent arbitrairement les bons des mauvais. L’Armée secrète passe encore, sauf à partir de 1944, ce sont d’anciens militaires mais les F.T.P, ces terroristes communistes sont dignes de leur exécration.
Ils les dénoncent aux Allemands et s’ils les font prisonniers, ils les fusillent sur le champ.
C’est le mariage milice et Gestapo, une association redoutable pour les Résistants et sympathisants politiques.
Villers-Bretonneux aura le triste privilège de voir arriver l’un de ces individus, inconnu de la population. Importation féminine ? Vivant en concubinage ou mission précise ? Peut-être l’un engendrant l’autre ? Quoi qu’il en soit, des plus néfastes pour les patriotes.
L’état civil de Groslay (aujourd'hui dans le Val-d'Oise) précise : « naissance le 14 juillet 1912 de JUSSERAND Kléber, Albert, Eugène, alors que celui d’Amiens révèle du nommé ci-dessus « décédé le 16 Juin 1945 à la caserne Boyeldieu ». Il avait été jugé par le tribunal militaire pour ses exactions antérieures.
Le garde voix HOURRIER fera lui aussi parler de ses actes.
Il faut rendre un hommage plein de déférence aux 24 déportés politiques, dont certains furent des Résistants qui ont subi tortures, privations, coups . . .
Parmi eux, 14 mourront dans les camps, certains viendront mourir dans leur famille.
Les autres, suite à leurs souffrances, le temps leur sera compté ; ils mourront prématurément dans les années qui suivirent 1945. »
Robert DESAEGHER
Extrait de : VILLERS-BRETONNEUX : 31 août 1944 LA LIBERATION par le Lieutenant-Colonel Iréné JUBRE
Le 31 Août 1944, à la Libération, la plupart des forces vives de notre bourg sont absentes.
- 125 des nôtres sont en captivité en Allemagne,
- 24 sont déportés politiques, 14 mourront en déportation.
- 13 soldats morts pour la France
- 2 fusillés morts pour la France
- 20 civils morts pour la France
- 32 jeunes sont partis Outre-Rhin au titre du S.T.O (Service du Travail Obligatoire).
Quelques-uns sont dans le maquis, d’autres, réfractaires au S.T.O., trouveront refuge chez un parent ou dans une ferme de la région.
Sans avoir le chiffre officiel, sur 3500 habitants, il ne reste pas 10 hommes de 25 à 40 ans à Villers ayant fait un service militaire et aptes au combat à cette date.
Sur ce chiffre, parmi les plus dynamiques, une quantité importante a été discrètement pressentie pour savoir si le moment venu, il était possible de compter sur leur dévouement.
Pour le reste, il était certain que le jour J, ils viendraient grossir les rangs.
Certes, c’était peu mais beaucoup, étant donné que nous ne disposions pas d’armement à l’exception de quelques pistolets.
Les camarades contactés avaient servi en 1940 dans toutes les armes de l’armée française, les plus appréciés étaient ceux venant de l’Infanterie qui savaient se servir des armes portatives et utiliser le terrain.
Nous ne pouvions procéder à aucun entraînement de masse puisque tout se déroulait dans la clandestinité.
Les collaborateurs et les dénonciateurs auraient tôt fait d’en averti la Gestapo.
Enfin, nous n’avions pas le choix : il fallait accrocher l’ennemi en temps opportun sans préparation et avec ce dont nous disposions.
Notre potentiel le plus marquant tenait en un moral à toute épreuve ; toutefois, c’était peu devant un ennemi armé jusqu’aux dents.
En notre faveur, le soutien de la population et la connaissance des lieux.
Plusieurs réseaux existaient à Nesle : les Francs Tireurs, le Front National et l’OCM (l'Organisation civile et militaire). Tous ces Résistants se connaissaient, agissaient pour saper le moral de l’Occupant.
Le responsable local de la Résistance était Mr Henri DIEU qui tenait le café « au Lion d’or » sur la place d’armes. Alfred TERREUX, électricien, rue du faubourg St Léonard, était aussi un grand résistant : il n’hésitait pas à participer à la distribution de tracts et d’affiches. Son apprenti, Pierre DENJEAN, 18 ans, plus connu sous le nom de « Pierrot », faisait partie des FTP comme Michel PECQUET. Il y avait des planques un peu partout en ville, notamment chez Mr René RANSON, propriétaire du café « A l’écu de France ». Les Résistants pouvaient compter sur des aides comme celle d’Achille LANGLET, responsable militaire.
Pierre LE ROY était également un Résistant de la première heure. C’est lui qui a posé la bombe provoquant l’explosion de la distillerie de Nesle le 11 novembre 1943. Pierre DENJEAN Alfred TERREUX, Firmin un autre résistant, Michel PECQUET furent arrêtés le 18 novembre 1943 suite à un piège tendu par les Allemands, par l’intermédiaire d’un milicien se faisant passer pour un évadé de la prison de Doullens, voulant rejoindre l’Angleterre. Ils furent conduits au siège de la Gestapo à Amiens rue Jeanne d’Arc où ils subirent de nombreux interrogatoires, souvent violents. Le lendemain, ce fut au tour de Victor ROULLE, qui avait fourni la bombe.
Pierre LE ROY sa femme et sa fille « Nenette » furent arrêtés à leur tour le 30 novembre. Pierre LE ROY fut exécuté le 17 janvier 1944 dans les fossés de la Citadelle d’Amiens. Sa fille, fut déportée à Auschwitz d’où elle eut la chance de revenir. Michel PECQUET fut emmené dans un camp de concentration près de Hambourg, il n’en reviendra que le 29 mai 1945.
Alfred TERREUX, suite au bombardement de la prison d’Amiens, réussit à se sauver mais revient à la Citadelle se constituer prisonnier, craignant des représailles contre ses copains et les habitants de Nesle. Il fut ensuite transféré à Paris puis au camp de Natzweiler – Struthof en Alsace d’où il repart le 6 septembre pour Dachau où il succombe le 12 avril 1945.
La ville de Nesle a été décorée de la croix de guerre 1939 – 1945 avec étoile d’argent le 12 novembre 1948.
Extraits du tome II Nesle, histoire de ville, histoire de France 1920-1970 de M. Pierre Leroy (1998)
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A la suite de la parution de cet article, madame Véronique Bruyer de Bacouel sur Selle (Somme) évoque les figures de son grand père Henri DIEU et de son père qui portait le même prénom Henri.
Henri Jean-Baptiste Dieu est né le 12 septembre 1886 à Villers Bretonneux (Somme). Il servit pendant la Première Guerre mondiale au sein du 227e régiment d'artillerie de campagne (227e RAC). Il fut décoré de la Croix de Guerre.
Chef cuisinier et propriétaire du restaurant le Lion d'Or à Nesle, Henri DIEU s'engage dans la Résistance au sein de Front National. Son fils qui à l’époque avait une vingtaine d’année joua le rôle de coursier. C’est sur son vélo qu’il partait distribuer quelques messages importants aux personnes du réseau des résistants. Messages bien cachés à l’intérieur des feux avant dynamo de son vélo ou des messages codés dans son porte monnaie.
Après son arrestation, Henri DIeu était incarcéré à la prison d'Amiens quand le bombardement a eu lieu le 18 février 1944. Sorti indemne de sa cellule, il ne s’est pas évadé et très vite il est allé porter secours aux autres prisonniers blessés. Quelques mois après il est libéré pour bonne conduite mais il est revenu chez lui très amaigri et affaibli par le manque de longues nuits de sommeil suite aux interrogations qu’il avait subi pendant ses longs mois d’arrestation.
A la libération il fut heureux de retrouver sa passion après la guerre de 39/45 dans son hôtel restaurant «Le Lion d’Or» à Nesle. Henri Dieu est décédé le 21 mai 1961 à Villers Bretonneux, à l'âge de 74 an. Un discours pour honorer sa mémoire fut prononcé ce jour par ses amis de la résistance.
Henri Dieu était titulaire de la croix du Combattant Volontaire de la Résistance.
il convient de célébrer le 75ème anniversaire de l’entrée en action de la Résistance nesloise
Cela avait déjà commencé le 8 novembre 1943 lorsque Maurice Compagnon, 19 ans, neslois, était fusillé par les Allemands pour avoir participé à un déraillement de train ennemi.
Puis, ce 11 novembre 1943, à minuit, une explosion d’une rare violence nous réveilla : j’avais 16 ans, j’habitais à 300 mètres environ de l’explosion, dans une maison de la SIAS, route de Péronne. Nous avions peur ; le ciel était en feu, sur une grande hauteur, des flammes de toutes les couleurs illuminaient la ville ; il faisait clair comme en plein jour et je pouvais lire le journal sur la table de la cuisine. Plusieurs réseaux de résistance existaient à Nesle et il était décidé que l’alcool produit par la distillerie ne tomberait pas aux mains des Allemands, à court de carburants sur le front de l’est.
Pierre LE ROY, employé de régie aux alcools connaissait bien les lieux et c’est lui qui fut désigné. Il n’avait pas eu peur, il se glissa sous la plus grande cuve (6.000 à 7.000 hl), et plaça la bombe apportée d’Amiens par sa fille Antoinette (Nénette).
C’est Pierrot DENJEAN, un camarade de classe, apprenti chez Alfred TERREUX, électricien, qui fabriqua le dispositif de mise à feu que Pierre LE ROY amorça alors… mission accomplie, il pouvait laisser éclater sa joie qui fut de courte durée : il fut arrêté et fusillé à la Citadelle le 17 janvier 1944 en criant : « Vive la France ». Un drapeau bleu blanc rouge flottait en haut de la distillerie. Sa fille Antoinette dite « Nénette », camarade de classe aussi, fut déportée à Auschwitz d’où elle revint et se maria. Alfred TERREUX, déporté, mourut à Dachau.
Une vague d’arrestation avait suivi : toute la ville était en émoi ; Denis LONGUET, maire de Nesle, trouva la mort à la prison d’Amiens lors de l’opération « Jéricho ». Pierrot DENJEAN, Jacques LANGLET furent libérés (Alfred TERREUX, sous la torture, n’avait pas parlé). Comment ne pas rendre hommage à tous ces héros de l’ombre qui ont donné leur vie pour nous ! Tout cela, vous pourrez le lire en détail dans « Histoire de ville, histoire de France » écrit par Monsieur Pierre Leroy notre historien.
recherchant les traces de mon père, j’ai croisé celles de ses frères qui jouèrent tous un rôle, à des degrés divers, dans la victoire de notre pays. Ces hommes, modestes comme maints résistants de la Somme, ne se vantèrent jamais de leurs exploits, qui me furent décrits par bribes, au cours de rares rencontres familiales. Mes grands-parents avaient eu cinq fils et trois filles.
Voici l’histoire de René LAOUT, le fils aîné, qui fut un extraordinaire résistant et voulut toujours minimiser le rôle qu’il avait joué.
L’oncle René, était gendarme. Sergent-major, il commandait la brigade de Saint-Sauflieu, au sud d’Amiens. Lui et tante Yvonne, ont eu cinq enfants.
Sa première fille, Sylviane, s’est mariée en novembre 1944 et je me souviens qu’il est venu nous accueillir pour le mariage à la gare d’Amiens. J’avais 8 ans. Avec son air bourru, sa grosse moustache et son uniforme, il m’inspirait la crainte mais cachait en fait un cœur très généreux.
La gare était en triste état à cause des bombardements, il fallait marcher sur des planches pour retrouver la voiture qui nous emmena à Saint-Sauflieu. Strasbourg ne fut libérée que le 23 novembre. Les stalags perduraient. Toute la famille attendait le retour de Gabriel mon père et de son beau-frère Robert. Malgré les restrictions, ce fut un long repas de mariage au cours duquel chacun était invité à chanter. Et ma mère chanta « Je pense à toi, mon prisonnier… » Sur l’air de « J’irai revoir ma Normandie… » Réalise-t-on aujourd’hui l’émotion de tels moments qui m’ont marqué pour la vie ?
Durant la guerre, René eut une conduite héroïque. En enquêtant d’abord au sein de la famille, je découvris l’ampleur de ses actes courageux dont il ne fit jamais état. Janine, ma marraine, m’a rappelé dernièrement, que durant la guerre, elle passa quelques jours dans la famille de René. Un soir elle dit à son oncle qu’elle repartait le lendemain, mais il lui interdit: « Non, non pas question, pars quand tu voudras mais pas demain ! ». Elle apprit par la suite qu’un train de munitions avait sauté. Grâce à ses fils, mes cousins et mes recherches personnelles, je perçois aujourd’hui l’importance du rôle joué par René LAOUT. Après la guerre ses camarades voulurent demander pour lui la légion d’honneur. Il refusa, prétextant que ce qu’il avait fait tout le monde l’aurait fait.
« Ce gradé de haute valeur morale et militaire, s’est dépensé sans compter pour la cause de la Libération » disent ses supérieurs en le citant à l’Ordre du régiment, en lui attribuant également la Croix de guerre. « Il a réussi dès le début de l’occupation à constituer un dépôt d’armes. A recueilli, hébergé, puis fait rapatrier 24 aviateurs alliés tombés sur notre sol. Ayant constitué un groupe de 50 combattants, a pris une part très active aux opérations de Libération, en capturant 123 prisonniers dont 2 officiers ».
Gérard, l’aîné de ses fils m’a raconté comment il avait fait entrer à la gendarmerie, trois Américains poursuivis par la police de Vichy. A la hâte, il les planqua dans la pièce contigüe et referma la porte. Il courut s’asseoir en mettant ses deux jambes sur le bureau en une pause qu’il voulait décontractée et allumait sa bouffarde quand brusquement les vichystes firent irruption : « Où sont-ils ? – qui ? – Les Américains ! – Pas ici, je n’ai pas bougé ! ». S’ils avaient ouvert la porte, René aurait été passé par les armes. Les Résistants de Saint-Sauflieu échappèrent de peu à une catastrophe. Ils découvrirent à temps un traître qui s’apprêtait à les dénoncer.
Sauver un aviateur américain durant la guerre est en soi un acte héroïque mais puni de mort.
En sauver 24 comme l’a fait René LAOUT à la tête de ses hommes, fait de la gendarmerie de Saint-Sauflieu un haut lieu de résistance à l’envahisseur, endroit que tous ces combattants tombés du ciel tentaient de rejoindre quand ils étaient avertis. Les Américains l’ont compris.
René LAOUT reçut un hommage du Président des Etats-Unis au nom du peuple américain signé de la main du Général en chef Dwight D.EISENHOWER.
Parmi tous ces aviateurs américains l’un d’entre eux resta particulièrement attaché à la famille de René LAOUT, le sous-lieutenant Georges M. MICKELS, abattu près de Caen, dans son B17 et fait prisonnier ensuite.
René LAOUT et Georges MICKELS correspondirent durant de longues années. Georges MICKELS rêvait de revenir en France et de retrouver cette famille qui l’avait sauvé en août 44, en le faisant passer pour un cousin qui n’avait pas toute sa tête.... Il ne parlait pas français.
Malheureusement les deux hommes moururent avant les retrouvailles et ce sont les enfants qui se rencontrèrent le 25 avril 1999. Connie MICKELS, la fille du Lieutenant a fait le voyage.
Bernard, le benjamin des fils de René LAOUT, me narra l’histoire du Lieutenant MICKELS que son père lui avait racontée. Il m’apprit également que Connie MICKELS avait écrit un petit livre retraçant l’épopée de son père en France mais que ce livre était désormais introuvable. Ma passion prit le dessus comme d’habitude et je finis par le récupérer après plusieurs mois d’attente. On l’avait trouvé au Royaume Uni. Un véritable trésor. Les lignes de Connie sont traduites par l’une de ses connaissances et je dois faire de gros efforts parfois pour comprendre en reprenant l’anglais…Mais là n’est pas l’essentiel.
Connie a cherché les traces de son père…J’ai cherché les traces de mon père …Et voici qu’un jour un auditeur venu assister à deux de mes réunions vint se présenter. Cet Amiénois était le fils d’un soldat allemand et d’une Française…Lui aussi avait cherché son père reparti vers l’Allemagne après la guerre. Cet homme avait fini par se trouver une famille allemande mais son père était mort depuis deux ans. Il fut accueilli à bras ouverts. L’idée ne m’était jamais venue que des fils de soldats allemands puissent aussi chercher leur père… Lors de la libération, j’ai assisté à des exactions que j’ai racontées dans mes mémoires…, Comme toujours ce sont les femmes qui ont trinqué.
Le sous-lieutenant MICKELS échappa plusieurs fois à la mort. Quand le B17 est tombé, cinq aviateurs ont péri. Deux survécurent. MICKELS, après avoir été fait prisonnier, fut ensuite repris par des SS quelque peu éméchés, avec plusieurs aviateurs alliés. Craignant des suites fâcheuses après la capture, il décida de s’enfuir. Les autres furent assassinés. Les SS le cherchèrent en vain et abandonnèrent la poursuite. Dans la commune des Hogues où sont enterrés les soldats, on a perpétué le souvenir…
Après avoir marché avec un autre groupe de prisonniers, Georges M. MICKELS finit par trouver la résistance de Saint-Sauflieu. La suite nous la connaissons et Connie ne tarit pas d’éloges sur l’accueil que lui ont réservé les membres de la famille LAOUT, des mots que son héros de père venu dans un avion pour délivrer la France du nazisme lui a probablement enseignés au long de sa vie.
Elle leur a dédié son livre.
Je ne connais pas Connie mais je me sens très proche de cette Américaine. Mes recherches rejoignent celles qu’elle a accomplies. Je tente comme elle de m’élever contre l’oubli de ces hommes qui, durant la guerre, n’ont jamais mesuré les risques qu’ils prenaient quotidiennement. Leurs combats, leurs souffrances, leurs sacrifices ont permis à la France de retrouver sa liberté.
En créant un stock d’armes dès la capitulation, René LAOUT a toujours cru que tout n’était pas perdu. Ils étaient peu nombreux à garder espoir quand la France s’écroulait.
Arthur LAOUT, son père, mort quelques années auparavant, qui présidait déjà une association de parents d’élèves en 1927 (!!), aurait été fier de voir ses enfants manifester un tel esprit républicain...
Document trouvé en cherchant les traces de Gabriel LAOUT. Les Archives Départementales, que j’ai consultées n’ont pas déniché l’original de cette copie. Comme j’ai pu le constater en d’autres occasions, trop souvent hélas les écrivains ou la famille n’ont rien transmis.
Le premier nom figurant sur cette liste est celui de Maurice LERICHE, responsable, instituteur à Rouy le Grand, qui fut l’ami de mon grand-père avant sa disparition.
En face de la maison des LAOUT se trouvait celle des LECOT, grands résistants également, particulièrement Jean LECOT qui s’afficha avec son brassard F.F.I. lors de l’arrivée des Américains. J’ai rencontré aussi Maurice LEROUGE de Béthencourt.
Tous ces gens ne se sont jamais épanchés sur leurs actions pendant et après la guerre, les faits sont restés cachés et hélas ignorés par la suite. Durant l’Occupation, ce n’est pas à un enfant de 8 ans qu’on allait confier des secrets que l’on taisait à de nombreux membres de la famille. Après la Libération, le 4 septembre 1944, toute la famille attendait le retour de Gabriel LAOUT, mon père, toujours en stalag.
Certains noms illisibles de cette liste ont été clarifiés ensuite (André fils de Juste et Robert son dernier frère qui se sont engagés dans les F.F.I. après la Libération) avec une explication sur les actions accomplies par le groupe.
Les résistants ont « participé à des actions de sabotage sur les péniches transportant des matériaux de construction pour le mur de l’Atlantique. Ainsi qu’à faire traverser le canal à des fugitifs juifs, équipages d’avions abattus, et soldats en fuite ».
Le canal de la Somme servait de frontière entre la zone occupée où se trouvait Fontaine et la zone interdite dans laquelle était situé le village de Villecourt. Il étalait sa joliesse bordée par les roseaux sur toute la longueur, côté marais (la digue verte) et par endroits, côté du lé.
La carte reproduit au plus près la position des lieux intéressants :
Traversée du canal : de la roselière jusqu’à la hutte de Louis MOROY (1ère barque)
Traversée du marais et de la Somme : de la hutte jusqu’au bois de Villecourt (2ème barque)
Louis MOROY, grand huttier de Fontaine Ausweis de Renée LAOUT pour
traverser le pont de Béthencourt
À l’extrémité nord de Fontaine les Pargny figurent les maisons des LAOUT et des LECOT.
La barque de Juste était cachée dans une roselière, légèrement plus importante, derrière la ferme du huttier. Louis MOROY possédait une hutte dans les marais. Elle était située un peu plus bas et possédait tout le confort nécessaire pour la chasse au gibier d’eau de nuit comme de jour : Poêle, table et lit. Au travers des judas pour le tir du chasseur, on apercevait l’étang et on devinait la barque plate cachée qui permettait d’aller chercher les volatiles atteints. C’est cette barque qui permit aux résistants de conduire les fugitifs, au travers des rus, de franchir la Somme et de rejoindre le chemin de l’église de Villecourt en traversant le Bois du Grand Jardinet. Janine, mon témoin direct, me raconta dernièrement l’histoire d’une Villecourtoise sans ausweis qui vint chez Juste pour lui demander de la faire regagner son village.
L’action de Juste LAOUT était donc connue par certains habitants, même si on ne l’ébruitait jamais. La traversée du marais se faisait souvent dans l’autre sens pour les fugitifs. Je revois encore ce merveilleux oncle, le soir, lorsque la lumière était éteinte, le visage à peine éclairé par le reflet du cadran, l’oreille penchée sur le haut-parleur, essayer d’entendre les nouvelles de Londres au travers des brouillages occasionnés par les Allemands.
Après la Libération, je suis allé avec Louis MOROY à la hutte et nous avons contrôlé une ligne à brochet qu’il laissait en permanence dans l’eau du fleuve. Avec Juste, nous avons vérifié les nasses dans un ru. L’eau était si claire que l’on voyait les bancs de poissons fuir devant l’avancée de la barque. Ce lieu était vraiment un paradis qui m’emplissait d’une joie infinie. Et pourtant il fut le témoin de l’histoire tragique des hommes et des femmes durant l’Occupation. Je n’oublierai jamais les crépitements d’une mitrailleuse à bord de l’avion allemand qui abattait l’avion anglais traînant sa longue fumée noire au-dessus du marais de Fontaine les Pargny…
En 1965, le canal de la Somme fut agrandi, et le béton remplaça les roselières.
Ainsi le « modernisme » effaçait les traces de l’Histoire des hommes.
Je vécus cela comme un drame.
Le 22 juin 1944, Abbeville fut le théâtre d’un important fait d’armes de la Résistance, fait qui reste cependant méconnu. Pourtant réalisé en plein jour, il témoigne de l’indicible courage des Francs-Tireurs et Partisans du Vimeu. Ce matin-là un commando composé de 11 hommes n’hésita pas à attaquer la prison d’Abbeville où se trouvaient 171 détenus dont 70 Résistants. Trahis par un traitre autrichien – qui s’était prétendu déserteur et avait rejoint leurs rangs – certains de ces Résistants avaient été arrêtés chez eux le 16 juin 1944, puis incarcérés à la prison de la capitale du Ponthieu, rue Dumont. Au moins 4 des Résistants devaient être transférés à Amiens pour y être fusillés : Maurice FUZELLIER, André GAILLARD, Aimé SAVARY et Pierre DELBE.
Devant l’urgence, le frère de Maurice FUZELLIER, Julien dit Gros-Jean, de Prouzel ancien cheminot, instigateur du commando, demande une entrevue à l’État-Major, qui lui permet d’organiser le coup mais qualifie celui-ci de suicidaire. Il part de chez lui à bicyclette pour prendre le maquis dans la forêt d’Eu. Très rapidement, il devint le commandant de la 3ème Cie de F.T.P. du Vimeu.
Le 20 juin, lors d’une réunion chez le chef de gare de Maisnières, l’attaque est décidée. Tous sont volontaires, mais ne seront désignés que les officiers et les sous-officiers à cause de l’aspect très dangereux de la mission. Au cours de la nuit du 21 ou 22 juin, les hommes quittent le Vimeu pour Abbeville ; Ils sont équipés d’un armement lourd : une mitraillette et 5 chargeurs, un révolver P 38 et 4 grenades.
Julien FUZELLIER dit GROSJEAN
À 5h du matin commence une longue attente dans une maison en ruines de la rue Dumont. 3 groupes ont été constitués ; à 7h45, lorsque le gardien qui assure la relève arrive, le groupe constitué par Gros-Jean, Robert Richard, Charles Sellier et Serge Lecul, le neutralisent. Après avoir arraché le téléphone et enfermé le soldat allemand et les deux gardiens, ils parviennent à ouvrir les cellules du quartier des hommes, puis celles du quartier des femmes. Mais il faut aller très vite. Richard fait sortir les prisonniers par petits groupes, même les droits communs afin de créer une diversion. L’alerte ne sera donnée que vers 9h.
L’opération a été menée en un temps record, sans un coup de feu.
Extraits d’un article du Courrier Picard de Philippe Lacoche du 24 juin 1994
(d’après un article de Robert J. Glaudel du 24 et 25 juin 1969).
En 1931, l’abbé Léon RICHARD, nouvellement ordonné, est nommé à la Communauté de HAM. Dès son arrivée il est désigné aumônier du groupe scout avec un autre prêtre.
Il est mobilisé en 1939 mais au début de la guerre, en juin 1940, il est blessé dans un bombardement et perd le pied droit. C’est à vélo, sur une pédale qu’il se déplace.
Démobilisé, il revient à Ham, relance l’aumônerie du groupe scout et gère les paroisses d’Eppeville et de Muille et de MUILLE.
Malheureusement, le 20 mai 1940, la belle église romane d’Eppeville est démolie et durant toute la guerre l’abbé RICHARD officie les services catholiques dans un bâtiment des Entrepôts de la sucrerie.
Là se célèbrent les mariages, les enterrements et les fêtes religieuses, avec de nombreuses processions qui conduisent les paroissiens d’une France pétainiste jusqu’à la petite chapelle voisine. Ces paroissiens ignorent que dans le confessionnal, le samedi, ils avouent leurs fautes à un grand résistant, adjoint du Docteur PUCHE.
Ami du Colonel LEFRANT et du docteur, il engage progressivement les scouts aînés à servir la France. Une lutte qu’il veut avant tout passive. Lui-même étant pour la non-violence. L’abbé RICHARD transmet aux jeunes les missions de reconnaissance demandées par le Docteur PUCHE, portages de messages, situations des positions allemandes, déplacements de l’ennemi, comptages de véhicules etc…
C’est lui qui annonce à René VALENTIN qu’il est remplacé par André DELORME pour une mission dangereuse à Saint Quentin. Celui-ci le paiera de sa vie.
En 1950 l’abbé RICHARD est nommé Doyen à VILLERS-BRETONNEUX et quitte les ordres l’année suivante comme de nombreux prêtres après la guerre.
Bâtiment des Entrepôts qui servit d’église durant toute la guerre