Amiens 1944-2024, sur les pas de nos libérateurs
L’association Centre de Mémoire et d’Histoire Somme Résistance et Déportation, anticipant la commémoration des 80 ans de la libération de la ville d'Amiens a organisé le jeudi 6 juin 2024 une déambulation en huit étapes depuis le carrefour de la libération jusqu’au pont Beauvillé avec la participation des écoles Elbeuf, du faubourg de Beauvais, les Violettes, Albert Roze et du collège Rosa Parks.
Au carrefour de la Libération, au pied de la route de Rouen où arrivèrent les chars britanniques venant de Pont-de-Metz, les élèves de l'école Elbeuf ont été accueillis par Anatolie Mukamusoni, présidente de l'association.
Nous célébrons, bien longtemps en avance, le 80ème anniversaire de la libération d’Amiens qui, comme vous le savez, a eu lieu le 31 août 1944. C’est que nous avons voulu y associer les jeunes générations pour qu’elles s’approprient l’histoire douloureuse qu’ont vécu leurs ancêtres et qu’elles puissent la transmettre plus tard afin d’éviter qu’elle recommence.
Nous avons donc choisi cette date symbolique du débarquement en Normandie qui marqua le début de la Libération du pays, étant donné que les élèves seront encore en vacances le 31 août.
Merci aux directeurs des écoles qui ont accepté de faire participer les élèves à cet événement.
Le 31 août 1944 fut donc un jour de liesse pour les Amiénois qui, comme tous les Français, avaient souffert de privations, d’humiliation, vivaient parmi les ruines car les 18 et 19 mai 1940, Amiens est bombardé, le centre-ville est détruit à plus de 60%. Les Allemands qui s’y installent terrorisent la population pendant 4 ans.
Les alliés (Anglo-Saxons sur le front ouest, Soviétiques sur le front est), continuaient le combat contre les Allemands ainsi que les Français qui n’acceptaient pas la défaite et qui entrèrent nombreux dans la Résistance à l’intérieur et à Londres.
Nous nous trouvons devant cette borne de la Libération ou BORNE DE LA VOIE DE LA LIBERTE 1944 où sont arrivés les Anglais comme vont nous le préciser les élèves de l’école Elbeuf venus avec leur professeur directrice de l’Ecole Mme Sylvie ROUCOU.
Nous avons parmi nous M. MELEN dont la grand-mère était anglaise et qui porte fièrement le drapeau et l’uniforme anglais. Merci beaucoup Monsieur MELEN d’être des nôtres aujourd’hui.
Nous marquerons chaque arrêt par la lecture de textes par les élèves, évoquant la Liberté retrouvée.
Les élèves de l'école Elbeuf ont rappelé à tour de rôle les différentes étapes de la libération de la ville en présence de Madame Ingrid Dordain-Saint député de la 2ème circonscription de la Somme, madame Dolores Esteban, conseillère départementale du canton d’Amiens-1 étaient présentes et monsieur Jacques Stoter conseiller départemental du canton d’Ailly-sur-Somme.
Pour retrouver les principales étapes de la libération d'Amiens
Devant la plaque commémorative de l’école Châteaudun Jackie Fusillier a rappelé le sacrifice de la famille Lemaire dont le père et ses trois fils ont été exécutés ou tués.
Dans ce quartier comme dans d’autres quartiers d’Amiens, il y eut de la Résistance. Beaucoup ont payé de leur vie le courage de dire non à l’occupant. Il en fallut, en cette période, des hommes et des femmes de cette « trempe » pour faire avancer l’heure de la libération.
Lucien Delecueillerie, Gérard Debrailly, Hubert Leclercq, Michel Leloir, Alfred Lemaire, facteur, Ave Foy, Gaston Moutardier, Victor Magnier, Jean petit, Lucien Robillard, Pierre Tellier, Kléber Vasseur, Cyrille Werbrouck ainsi que la famille Lemaire, une famille cruellement éprouvée, demeurant chemin des épinettes à Amiens, devenu depuis la rue des 4 Lemaire. Maurice le père, ses fils Maurice Arthur, né en 1919, Charles né le 15 février 1926 à Ailly sur Somme et Arthur 15 ans, qui sera porté disparu peu avant la Libération d'Amiens après avoir affronté les Allemands en débâcle.
Charles, né le15 février 1926 à Ailly sur Somme, le plus jeune des résistants, fusillé à la Citadelle d'Amiens, s'enrôlera dans les rangs de la Résistance avec les F.T.P.F. Apprenant l'arrestation de son père, Charles entre avec encore plus de conviction dans la clandestinité. Il participera à de nombreux sabotages de voies ferrées et à l’attentat du « Royal » en décembre 1942. Il est arrêté le 23 avril 1943. Appartenant au groupe Michel, il fut fusillé avec ses camarades le 2 août 1943. Il avait 17 ans. Il repose avec sa famille au cimetière Saint-Acheul ancien, auprès de son père, de son frère, victimes eux-aussi de la barbarie nazie.
Maurice Arthur, appréhendé par la « Gestapo » à 23 ans le 4 juillet 1942 avec son père à Saint-Lô a été fusillé à Saint Lô le 24 novembre 1942 et son père le 1er octobre 1942.
Au pied de l'église Saint Honoré, Gérard Cozette a décrit les bombardements du 18 et 19 mai 1940 ruinant le centre-ville d'Amiens.
Les 18 et 19 mai 1940 les avions allemands bombardent Amiens, l’un des objectifs est de détruire le nœud ferroviaire d’Amiens.
Les zones les plus importantes à détruire sont la jonction de la voie ferrée Amiens - Abbeville avec celle d’Amiens- Rouen au niveau de la gare St-Roch ainsi que la voie ferrée reliant cette gare à la gare du Nord et la gare du Nord elle -même.
Le 18 mai la gare St-Roch est bombardée, des cheminots sont tués ainsi que des soldats britanniques dont le train était stationné en gare. Le lendemain ces soldats du régiment du Royal Sussex se regroupèrent en haut de la route de Rouen dans le petit bois où se trouvait à l’époque le château blanc.
En cet endroit, ils firent face aux panzers allemands qui arrivaient sur Amiens, peu armés 55 furent tués (33 reposent au cimetière de Pont de Metz et 22 au cimetière de Salouël), les survivants sont fait prisonniers et envoyés dans des camps notamment en Pologne.
Une stèle commémorative a été érigée en ce lieu.
Le Dimanche 19 mai ce fut le grand bombardement d’’Amiens, seront utilisées des bombes explosives classiques mais aussi des bombes incendiaires. Les voies ferrées sont à nouveau bombardées, l’esplanade Branly où nous nous trouvons est touchée. L’église St-Honoré située avant – guerre à l’angle de la route de Paris et de la route de Rouen est encadrée par les bombes avant que l’une d’entre elle explose sur le bâtiment lui-même. Le clocher restera cependant debout tandis qu’un violent incendie s’y déclarera et l’anéantira. Le vicaire, l’abbé Lecerf, venait de quitter son église après y avoir dit la messe.
Les maisons des rues avoisinantes seront également détruites par les explosions ou un peu plus tard par les incendies. Après la guerre, une église provisoire fut construite sur l’esplanade. Elle laissa sa place à la nouvelle église construite en face, que nous contemplons actuellement.
Les élèves de l'école Faubourg de Beauvais ont lu ensuite le poème d'Odette Vaquette évoquant le 31 août 1944.
A hauteur du cirque, Annick Saguez a évoqué les exactions de ce que les Amiénois appelaient la "Gestapo", un des services de la SIPO-SD, installée en juin 1942 au 174 de la rue Jeanne d’Arc.
A la préfecture, Maryse Confrère a rappelé le sort de Léon GONTIER, cofondateur du groupe de résistance Libération-Nord.
Le 21 mai 1940 les Allemands s'installent à l'hôtel de ville puis à la Préfecture le 23 mai.
La Kommandantur contrôle tout aidée par la gestapo (police d'Hitler).
Léon Gontier, chef de bureau à la Préfecture, est responsable d'un groupe de Résistants appelé « Libération Nord ». Il est arrêté le 13 janvier 1944 et déporté à Neuengamme où il décèdera.
Les élèves du collège Rosa Parks ont récité trois poèmes : la Rose et le Réséda de Louis Aragon, Bretagne d'Eugène Guillevic et Je trahirai demain de Marianne Cohn.
A l'hôtel de ville, après une évocation par François Sirel des mandats de Léon DEBOUVERIE et de Pierre ROLLIN,
Léon Debouverie et Pierre Rollin furent les deux maires en charge d'Amiens occupée. Léon Debouverie, désigné par les Allemands en mai 1040 et confirmé par le régime de Vichy en avril 1941 eut la lourde tâche de remettre la ville dévastée en état de marche. Son opposition aux demandes des occupants lui valut d'être arrêté en septembre 1941, condamné à de la prison en Allemagne puis interdit de séjour sur Amiens. Pierre Rollin lui succède jusqu'à la libération d'Amiens, il démissionne le 24 septembre 1944.
les élèves de l’école Les Violettes lisent un article de Picardie Nouvelle du 31 août 1944 intitulé "Amiens est libéré".
Archives municipales et communales d'Amiens
Sur la place Alphonse Fiquet, Maryse Confrère a rappelé notamment l'action des cheminots dans la Résistance devant les classes de l’école Albert-Roze réunies.
Dès le 19 mai 1940, Amiens, zone de passage entre Angleterre et Paris, subit des bombardements principalement le long des voies ferrées ; le quartier de la gare est un champ de ruines : il est détruit à 80% et il y a 300 morts civils. Le 20 mai la ville est aux mains des Allemands car les Amiénois ont commencé l'exode.
Durant l'occupation, les cheminots ont joué un rôle important dans la Résistance.
Dans la nuit du 31 avril au 1er mai 1942, ils sabotent une grue de 32 tonnes ; 9 d'entre eux seront déportés.
Le 2 juillet 1944, Juifs, Résistants et opposants seront acheminés vers Compiègne puis l'Allemagne. Entassés dans le train 7909, appelé « train de la mort », dans 22 wagons, 2152 personnes connaîtront des conditions inhumaines. Environ 500 personnes décèderont dont 23 Picards.
Puis quatre élèves ont récité le poème de Paul Éluard Liberté.
Enfin au pont Beauvillé, le commandant de la police nationale d'Amiens a rejoint le groupe. Anatolie Mukamusoni a évoqué l'action des résistants pour empêcher que les Allemands ne fassent sauter le pont le 31 août 1944.
Les Allemands se sentant acculés, se mirent à détruire les ponts pour barrer le passage aux alliés et les empêcher de les poursuivre vers le Nord.
Tous les ponts d’Amiens sont anéantis sauf deux, grâce à la lutte acharnée des Résistants : le pont de Montières qui coûta la vie aux résistants Georges Quarante et Edmond Fontaine et le pont Beauvillé au prix de plusieurs victimes parmi les résistants mais aussi du côté allemand.
Les élèves de l’école Les Violettes ont lu un extrait du discours de Maurice VAST lors de l'inauguration du nouveau pont Beauvillé en mars 1968.
Et Anatolie Mukamusoni de conclure :
Merci à tous et rendez-vous au 31 août pour l’inauguration des bornes dans la ville posées à l’initiative de notre association qui a déposé un projet dans le cadre du budget participatif en 2022 et qui a été voté par la population.
Tous nos remerciements à monsieur Melen venu animer les rendez-vous au carrefour de la libération, à la gare et au pont Beauvillé..
Le but de notre association reste la réalisation d’un Centre de Mémoire et d’Histoire pour tous les Résistants et tous les Déportés de la Somme dont un très grand nombre a donné sa vie pour la Liberté.
Il est dommage qu'aucun élu de la ville d'Amiens et d'Amiens Métropole n'ait pu assister à un de ces temps forts.