Juste LAOUT, les résistants de Fontaine et ses environs

Publié le 15 Février 2024

Document trouvé en cherchant les traces de Gabriel LAOUT. Les Archives Départementales, que j’ai consultées n’ont pas déniché l’original de cette copie. Comme j’ai pu le constater en d’autres occasions, trop souvent hélas les écrivains ou la famille n’ont rien transmis.
Le premier nom figurant sur cette liste est celui de Maurice LERICHE, responsable, instituteur à Rouy le Grand, qui fut l’ami de mon grand-père avant sa disparition.
En face de la maison des LAOUT se trouvait celle des LECOT, grands résistants également, particulièrement Jean LECOT qui s’afficha avec son brassard F.F.I. lors de l’arrivée des Américains. J’ai rencontré aussi Maurice LEROUGE de Béthencourt.

Tous ces gens ne se sont jamais épanchés sur leurs actions pendant et après la guerre, les faits sont restés cachés et hélas ignorés par la suite. Durant l’Occupation, ce n’est pas à un enfant de 8 ans qu’on allait confier des secrets que l’on taisait à de nombreux membres de la famille. Après la Libération, le 4 septembre 1944, toute la famille attendait le retour de Gabriel LAOUT, mon père, toujours en stalag.
Certains noms illisibles de cette liste ont été clarifiés ensuite (André fils de Juste et Robert son dernier frère qui se sont engagés dans les F.F.I. après la Libération) avec une explication sur les actions accomplies par le groupe.

Les résistants ont « participé à des actions de sabotage sur les péniches transportant des matériaux de construction pour le mur de l’Atlantique. Ainsi qu’à faire traverser le canal à des fugitifs juifs, équipages d’avions abattus, et soldats en fuite ».
Le canal de la Somme servait de frontière entre la zone occupée où se trouvait Fontaine et la zone interdite dans laquelle était situé le village de Villecourt. Il étalait sa joliesse bordée par les roseaux sur toute la longueur, côté marais (la digue verte) et par endroits, côté du lé.

La carte reproduit au plus près la position des lieux intéressants :

Traversée du canal : de la roselière jusqu’à la hutte de Louis MOROY (1ère barque)
Traversée du marais et de la Somme : de la hutte jusqu’au bois de Villecourt (2ème barque)
 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Louis MOROY, grand huttier de Fontaine                     Ausweis de Renée LAOUT pour
                                                                                      traverser le pont de Béthencourt

À l’extrémité nord de Fontaine les Pargny figurent les maisons des LAOUT et des LECOT.
La barque de Juste était cachée dans une roselière, légèrement plus importante, derrière la ferme du huttier. Louis MOROY possédait une hutte dans les marais. Elle était située un peu plus bas et possédait tout le confort nécessaire pour la chasse au gibier d’eau de nuit comme de jour : Poêle, table et lit. Au travers des judas pour le tir du chasseur, on apercevait l’étang et on devinait la barque plate cachée qui permettait d’aller chercher les volatiles atteints. C’est cette barque qui permit aux résistants de conduire les fugitifs, au travers des rus, de franchir la Somme et de rejoindre le chemin de l’église de Villecourt en traversant le Bois du Grand Jardinet. Janine, mon témoin direct, me raconta dernièrement l’histoire d’une Villecourtoise sans ausweis qui vint chez Juste pour lui demander de la faire regagner son village.

L’action de Juste LAOUT était donc connue par certains habitants, même si on ne l’ébruitait jamais. La traversée du marais se faisait souvent dans l’autre sens pour les fugitifs. Je revois encore ce merveilleux oncle, le soir, lorsque la lumière était éteinte, le visage à peine éclairé par le reflet du cadran, l’oreille penchée sur le haut-parleur, essayer d’entendre les nouvelles de Londres au travers des brouillages occasionnés par les Allemands.
Après la Libération, je suis allé avec Louis MOROY à la hutte et nous avons contrôlé une ligne à brochet qu’il laissait en permanence dans l’eau du fleuve. Avec Juste, nous avons vérifié les nasses dans un ru. L’eau était si claire que l’on voyait les bancs de poissons fuir devant l’avancée de la barque. Ce lieu était vraiment un paradis qui m’emplissait d’une joie infinie. Et pourtant il fut le témoin de l’histoire tragique des hommes et des femmes durant l’Occupation. Je n’oublierai jamais les crépitements d’une mitrailleuse à bord de l’avion allemand qui abattait l’avion anglais traînant sa longue fumée noire au-dessus du marais de Fontaine les Pargny…
En 1965, le canal de la Somme fut agrandi, et le béton remplaça les roselières.
Ainsi le « modernisme » effaçait les traces de l’Histoire des hommes.
Je vécus cela comme un drame.

Jean Marie LAOUT

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