Publié le 3 Juin 2024
Octobre 1942, Madeleine MICHELIS, jeune professeure de lettres classiques, rejoint le lycée d’État de jeunes filles de la ville d’Amiens, un bâtiment en grande partie occupé par les troupes allemandes. Après son passage à l’Ecole normale supérieure, il s’agit de son quatrième poste après le Havre, son annexe à Etretat et Paris. Âgée de 29 ans, elle est très vite appréciée de ses élèves, animant avec passion un atelier théâtre aux côtés de Georges-Louis COLLET, futur rédacteur en chef du Courrier Picard en 1944.
Madeleine MICHELIS trouve difficilement à se loger dans Amiens dévastée, elle occupe différentes chambres d’hôtels avant de s’installer 6 rue Marguerite Hémart-Ferrandier (quartier Henriville), soit la même adresse que celle de Jeanne Fourmentraux arrêtée le 26 août 1942.
Fonds Marie-Claude Durand
Derrière la professeure se cache une femme déterminée dont l’engagement remonte avant-guerre.
Membre de la Jeunesse étudiante chrétienne (J.E.C.) elle a apporté sa contribution pour aider les réfugiés espagnols et n’a jamais caché son hostilité envers le régime nazi. En mai 1940 elle refuse la défaite et rejette le régime de Vichy ."Je n'ai absolument pas peur... Je crois invinciblement à l'avenir de la France... Soyons courageux et pleins d'espoir."
A Paris, elle rejoint au printemps 1941 le mouvement Libération-Nord et sert d’agent de liaison à Pierre BROSSOLETTE. Durant l'hiver 1941 Madeleine MICHELIS prend sous son aile une jeune juive, Claude BLOCH dont le père, raflé en décembre 1941, a été enfermé à Royallieu-Compiègne (1). Au cours de l’été 1942, elle fera passer la jeune fille en zone libre puis par la suite l'enverra dans le Gers chez une amie.
A Amiens Madeleine MICHELIS devient agent du réseau Shelburn, branche du Special operations executive (SOE) britannique qui a pour mission de récupérer et de rapatrier en Angleterre les aviateurs alliés dont les appareils ont été abattus dans le ciel français et sont disséminés dans la campagne picarde.
Madeleine MICHELIS est arrêtée à son domicile le 12 ou le 13 février 1944. Les Allemands la croyant à tort chef d’un secteur de renseignements la transfère à Paris, au lycée Montaigne où elle raconte, de retour dans sa cellule, avoir subi le supplice de la baignoire d'eau glacée. Elle meurt par strangulation le 15 ou 16 février, sans que l’on sache si elle a été assassinée ou si elle s'est suicidée pour éviter de parler à ses bourreaux…
Madeleine MICHELIS est nommée par le Général DE GAULLE à titre posthume "Chevalier de la Légion d'honneur", avec la citation suivante :
Jeune Française admirable, qui s'est entièrement dévouée à la cause de la Résistance, professeur agrégée au lycée d'Amiens, a tout sacrifié au service de la Libération. S'est particulièrement occupée du passage des prisonniers évadés et d'aide aux parachutistes et aviateurs alliés. Arrêtée le 12 février 1944, transférée à Paris, a refusé de parler malgré les pires traitements. A été étranglée le 15 février 1944, trouvant une mort glorieuse au milieu des tortures supportées avec un courage magnifique et sans trahir son secret. Modèle d'abnégation, de foi patriotique. |
Après la libération, en 1945 le conseil municipal d'Amiens et le conseil d'administration du lycée d’État de jeunes filles décident conjointement d'apposer une plaque dans l'entrée de l'établissement, rendant hommage à Madeleine MICHELIS. Et depuis 1975 le lycée d’Amiens porte son nom ainsi qu'un groupe scolaire et une rue de Neuilly-sur-Seine, sa ville de naissance.
Madeleine MICHELIS est chevalier de la Légion d’Honneur (1947), récipiendaire de la médaille de la Résistance française, de la Croix de Guerre 1939 - 1945 et de la Médaille de la Liberté attribuée à titre exceptionnel par le président des États-Unis.
En 1997, Madeleine MICHELIS est élevée au rang des Justes parmi les nations par le Mémorial de Yad Vashem (Jérusalem).
(1) Il s'agit de la rafle dite des notables
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Pour aller plus loin, le site consacré à Madeleine MICHELIS par sa nièce Marie-Claude Durand
Julien Cahon, Madeleine Michelis (1913-1944), une Amiénoise dans la Résistance, préface de Jean-Louis Crémieux-Brilhac, Amiens, A.P.H.G.-Picardie et O.N.A.C. Somme, 11 octobre 2013