Le petit vélo de Robert

Publié le 15 Février 2024

Les parents de Robert vivaient dans la côte de la route d'Airaines à Abbeville ; c'étaient de petits agriculteurs (2 vaches, 2 chevaux). A Noël 1939, Robert a eu un vélo et quel vélo ! Une famille, dont les enfants étaient grands, a pensé à Robert. Ce vélo était rudimentaire : sans frein, à pignons fixes donc qui fonctionnait sans arrêt ; pour freiner, il fallait pédaler moins vite ou mettre un pied sur la roue ! Pour Robert, qui avait 9 ans, c'était inespéré.

Pendant cette « drôle de guerre », les Airainois voyaient, depuis quelques temps, les réfugiés du Nord et de la Belgique traverser leur petite ville. Les Anglais étant en stationnement sur le terrain de foot, les habitants étaient conscients du danger. Le lundi matin 20 mai 1940, ils entendirent les avions. Le père de Robert, qui avait fait la guerre 1914-1918, emmena sa famille dans un petit chemin creux qui donnait dans le haut de la route d'Abbeville. Après le bombardement, le père décida de partir à Andainville où le frère de Robert avait un copain. La famille entassa ce qu'elle pouvait, y compris le vélo de Robert qui était précieux pour le petit garçon, dans 2 tombereaux tirés par les chevaux. Première étape à Andainville où on fut obligé de laisser le vélo de Robert. Le père décida de traverser la Seine aux Andelys. Un 3éme tombereau se joignit à eux. Il fallut 3 jours pour y arriver. Ensuite direction Vitré puisque l'ordre d'évacuation était l'Ile et Vilaine pour les habitants de la Somme.

Il y avait de l'entraide car des femmes, avec jeunes enfants et personnes âgées, conduisaient des tombereaux.
Les grands parents de Robert, eux, étaient restés pour garder la maison ! Le 31 mai, l'Administration française décidant l'évacuation totale, les grands parents partirent avec les Avelange, eux aussi agriculteurs. Pas de nouvelles ! Ils revinrent avant les parents de Robert. Le retour se fera vers le 10 juillet en passant à Saint André de l'Eure où le père connaissait un ami ; là ils aidèrent à biner les betteraves. Ils eurent l'idée de repasser à Andainville où Robert retrouva, avec bonheur son vélo.
Père et fils revinrent en éclaireurs à vélo. Ils passèrent à Métigny puis empruntèrent la rue de l'Abbé Perdu. Là, ils vécurent un moment pénible ; Airaines était un champ de ruines : les maisons en torchis avaient brûlé, seules restaient les cheminées de briques noircies. Un passage d'environ 3 mètres était bordé de décombres. L'église, en partie bombardée, avait servi d'infirmerie pour quelque 250 blessés français, africains et allemands. Le vide et le silence étaient impressionnants. Leur petite ferme et leur maison en viager étaient détruites. Seule leur restait une petite maison endommagée par un obus près du terrain de foot ; le père l'avait achetée pour le terrain meilleur que celui dans la côte crayeuse de la route d'Abbeville, découragé, il fit demi-tour en voyant le désastre. Après discussion avec sa femme, ils décidèrent de s'installer chez la grande mère maternelle puis dans la petite maison touchée par l'obus.

Je remercie Monsieur Robert Poiret qui a bien voulu me raconter ce souvenir d'enfance. Monsieur Poiret a tenu à souligner le courage des femmes pendant cette triste période de notre Histoire.

Maryse Confrère

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