Hommage à Jules MOPIN et Ernest LESEC de Mers-les-Bains

Publié le 14 Février 2024

 

Le 2 août 2023, à l’initiative de Monsieur Michel Delépine, maire de Mers-les-Bains,s'est tenue au poteau des fusillés à la Citadelle d’Amiens, une cérémonie en hommage aux 11 Résistants du groupe Michel mais surtout à Jules MOPIN et Ernest LESEC, originaires de Mers les Bains.

A 6h du matin, à l’heure et l’endroit où ces deux Résistants ont été exécutés,  sous une pluie battante, Monsieur Delépine, Monsieur Maquet, député de la Somme, Monsieur Matthieu Beauvarlet, représentant la municipalité d’Amiens et Madame A. Mukamusoni, présidente de l’association  Centre de Mémoire et d'Histoire-Somme-Résistance et Déportation ont prononcé leur discours. Le traditionnel dépôt de gerbes a été suivi par la Marseillaise et le Chant des Partisans, entonnés à Capella par l’assistance. Une cinquantaine de personnes dont 28 venues de Mers les Bains étaient présentes.

La dernière lettre d’Ernest Lesec a été lue à 6h34, l’heure exacte de son exécution et 2 arrière-petites nièces de Jules Mopin ont également lu la dernière lettre de leur grand-oncle.
Un petit déjeuner a ensuite été offert par la municipalité de Mers à l’hôtel Mercure d’Amiens cathédrale, près de la cathédrale.

Les Mersois ont ensuite eu droit à une visite des lieux emblématiques de la Citadelle.
                                                                                                                            Jackie Fusillier

Discours de M. Delépine, maire de Mers-les-Bains

Ernest Lesec, Jules Mopin, en ce 2 août 2023 à l’heure même de votre exécution, nous avons à coeur, 80 ans plus tard, d’être là.

Au-travers de ses représentants et de son maire, la Ville de Mers-les-Bains, VOTRE commune, revient ici même pour vous dire que le temps n’a absolument rien altéré ! En cet instant, nous voulons nous plonger, nous fondre dans cet univers atroce qui fut le vôtre, nous venons et nous voulons vous dire que l’histoire mersoise s’est nourrie et se nourrit toujours de votre exemple, que les nouvelles générations vous connaissent, que vous êtes intrinsèquement, une part de nous-mêmes.
Oui, nous nous sommes construits et nous continuerons de nous construire avec vous !
Nous sommes venus vous dire notre petitesse et notre insignifiance face à l’ultime sacrifice vers lequel vous vous êtes acheminés, avec un courage, une foi, un détachement incommensurable !
Même s’il en faut, aucun mot, aucune formulation, aucune littérature ne peuvent le traduire Avec une profonde humilité, c’est notre coeur, c’est notre esprit, c’est notre âme qui s’expriment intimement, silencieusement, intensément.

Ernest Lesec, Jules Mopin et tous vos camarades qui êtes tombés sur ce sol que nous foulons, imprégné pour l’éternité de votre sang , nous vous sommes redevables.
Le même système contre lequel vous vous êtes élevés, que vous avez combattu à mains nues, celui qui vous a arraché à la vie en pleine jeunesse, ce même système renaît, la bête immonde s’est réveillée.
Les discours décomplexés de haine et d’intolérance, d’exclusion et de repli sur soi font notre quotidien. A nous de les contrer, à nous d’exiger de nos politiques aucune compromission.
Il me semble vous entendre nous murmurer que le moment est préoccupant, qu’il est redevenu dangereux, que nous sommes bel et bien sur le fil du rasoir. ATTENTION !!!
Prétendre être passeurs de la Mémoire, implique de prendre des décisions fortes et de ne céder à aucune tergiversation. C’est ainsi qu’ici même, se doit d’être édifiée une véritable et indispensable structure de la connaissance et de la transmission ; un impérieux et pérenne hommage, un outil indispensable pour préserver les futures générations du pire !
Là encore, c’est le moment ! Les témoins s’estompent jour après jour, nous sommes à LA période charnière, demeurons actifs avant qu’il ne soit trop tard !

Pour que puisse vivre la République et que puisse vivre cette France, notre France que vous avez exemplairement chérie et sauvée, par votre sang versé.

Discours de M. Maquet, député de la Somme

 Jamais dans l’histoire des conflits, un si grand nombre d’hommes ont dû autant à un si petit nombre.
C’est avec ces mots que Winston Churchill rendit hommage à la Résistance française, à ces femmes et ces hommes qui se sont levés à l’appel du Général de Gaulle, ou simplement portés par leur conscience individuelle, leur sens de la Patrie de leur pays qu’ils ne pouvaient concevoir que libre et indépendant.
Dans cette France occupée, des femmes et des hommes de tous horizons, de toutes opinions, ont choisi l’action clandestine avec un admirable courage. Prêts à sacrifier leur vie, ils étaient soudés dans une fraternité qui était bien souvent leur seule force.
Parmi ces femmes et ces hommes ordinaires résolus à accomplir l’extraordinaire, il y avait de nombreux mersois. Certains sont restés dans l’anonymat. D’autres sont connus et familiers de tous, notamment parce que des rues de notre ville ont été baptisées en hommage à leur sacrifice.

Près de 80 ans après, les conséquences de cette terrible période subsistent encore dans de nombreuses familles mersoises : perte d’un frère, d’un père, d’un cousin, d’un copain… Si Mers les Bains a été reconnue comme capitale de la Résistance en Picardie maritime par Max Lejeune, alors secrétaire d’état, c’est bien qu’ici, peut- être plus qu’ailleurs, le conflit laissa des blessures profondes.
Tous ces héros doivent, à jamais, entrer au Panthéon de la mémoire collective mersoise.
C’est la raison pour laquelle nous sommes réunis ici, au pied de la Citadelle d’Amiens, là où il y a 80 ans, jour pour jour, deux de ces héros mersois furent victimes de la barbarie nazie.
Le lundi 2 août 1943, à 6h15 et à 6h34 précises, Ernest LESEC et Jules MOPIN, ainsi que 9 de leurs camarades du groupe Michel, ayant participé au spectaculaire sabotage de la voie ferrée Amiens-Abbeville à Hangest-sur-Somme le 16 avril 1943, ont été fusillés dans les fossés de cette Citadelle.
Jusqu’à leur dernier souffle, ils ont incarné toute la force, le courage et la bravoure de la résistance française. Ils n’avaient pourtant que 25 et 22 ans.

Vous le savez tous, Ernest LESEC et Jules MOPIN ne sont malheureusement pas les seuls Mersois qui ont péri en ces lieux. André DUMONT fut lui aussi fusillé quelques mois plus tard, le 5 février 1944, il avait 23 ans.
Ce que nous enseigne leur sacrifice, c’est qu’au moment, où l’essentiel est engagé, dans ces heures tragiques où l’honneur et l’indépendance de la Nation sont en péril, le plus utile, le plus précieux, ce ne sont pas les idéologies, ce ne sont pas les systèmes ou les partis… C’est la force d’âme, l’attachement viscéral à la patrie, c’est la faculté de se lever et de dire non ».
En résistant et en allant jusqu’au sacrifice ultime, ces mersois ont dit « non » à l’abaissement, « non » à la fatalité, « non » au renoncement, « non » au défaitisme « non » aux arrangements, « non » aux concessions, « non » à l’abandon de la France.
Ce « non », c’est un cri éternel que la liberté humaine oppose à tout ce qui menace de l’asservir.
Ce cri, ce matin, nous l’entendons encore.
Ce cri, nous devons le transmettre, car une Nation n’est libre et forte que lorsqu’elle s’élève à la hauteur de ses héros.

Ce qu’ont fait ces martyrs Mersois, et avec eux toute la Résistance Française, ne doit pas seulement relever de l’Histoire. Ce qu’ils ont réalisé doit continuer de faire partie de la mémoire vivante de notre pays. La France Libre, la Résistance, c’est une partie de notre identité nationale. C’est l’expression la plus haute et la plus compréhensible de nos valeurs.
Comme un symbole, cette Citadelle au pied de laquelle nous nous trouvons, ce lieu de détention, de torture et d’exécution sous l’occupation est aujourd’hui un magnifique lieu de vie, de savoir et de transmission.
Alors transmettons, apprenons à nos enfants à être fiers de leur pays, à être fiers de nos valeurs, à être fiers de ce qu’ont réalisé les générations qui les ont précédés.
Face aux défis d’aujourd’hui et de demain, puissions-nous nous inspirer, encore et toujours, de leur héroïsme et de leur abnégation. Ils sont l’illustration parlante de ce que l’âme de la France sait produire de plus grand, de plus digne et de plus fidèle à ses valeurs.

Pour que vive la mémoire d’Ernest LESEC et Jules MOPIN !
Pour que vive la mémoire des résistants mersois !
Pour que vive l’esprit de la Résistance !
Vive la République et vive la France !

Discours de M. Beauvarlet, adjoint au maire d’Amiens, représentant Mme Fouré, maire d'Amiens.


Il y a 80 ans jour pour jour, à cette heure précise, la ville d’Amiens connaissait l’une des journées les plus noires de son histoire.
A l’aube, moment porteur de toutes les promesses en temps de paix, la haine et l’obscurantisme les plus abjects résonnèrent en contrebas de la Citadelle, lieu où nous nous trouvons et que nous appelons communément depuis, « le poteau des fusillés ».
En ce matin du 2 août 1943, onze résistants, membres du « Groupe Michel », trouvèrent la mort, fusillés par les Allemands entre 6 et 7 heures du matin.
Parmi eux, deux enfants de Mers-les-Bains, Ernest Lesec et Jules Mopin.
Ernest Lesec, installé à Mers-les-Bains en 1935, était un officier de la Marine marchande. Il refusa de commander un navire sous les ordres des Allemands et revint à Mers fin mars 1943 pour s’engager auprès des Francs-Tireurs et Partisans.
Jules Mopin était un ouvrier verrier. Après avoir refusé le Service du Travail Obligatoire, le STO, il rejoignit les rangs des Francs-Tireurs Partisans et participa aux sabotages des voies ferrées dans le but de faire dérailler les trains militaires de l’occupant.
Ainsi, Jules Mopin et Ernest Lesec participeront ensemble au déraillement, à Hangest-sur-Somme, le 16 avril 1943, du train Amiens-Abbeville, qui transportait des soldats allemands. Et ils furent arrêtés ensemble le 27 avril. Torturés par la Gestapo pendant des jours, ils ne révèleront aucun secret lié à la Résistance. Avant d’être exécutés le même matin du 2 août 1943.

Le 18 Juin 1940, dans son Appel célèbre, le Général De Gaulle exhortait tous ceux qui n’acceptaient pas l’oppression :« Quoi qu’il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s’éteindre et ne s’éteindra pas ». Cette déclaration du Général de Gaulle illustre bien ce que fut la Résistance à Mers-les-Bains, terre d’insoumission en Picardie face à l’occupant nazi.
Mers-les-Bains, située en « zone interdite », localité de 3000 habitants, à l’époque pour l’essentiel des cheminots, sera en effet reconnue comme l’un des « berceaux de la Résistance picarde ».
Monsieur le Maire, Monsieur le député, Madame la Conseillère départementale, je voudrais remercier pour leur présence les Mersoises et les Mersois venus ce matin à l’aube en délégation pour rappeler le sacrifice d’Ernest Lesec et de Jules Mopin. Je tiens également à remercier les associations d’anciens combattants, les porte- drapeaux, les membres de votre harmonie municipale ainsi que les élus municipaux qui se sont déplacés. Je tiens enfin à excuser l’absence de Madame Brigitte Fouré, Maire d’Amiens, que j’ai l’honneur de représenter ce matin.

Peu après l’Appel du Général de Gaulle, les premiers Français libres n'ont pas tardé à rejoindre Londres. Peu nombreux certes, mais les pionniers de la liberté furent au rendez-vous de l'honneur : des obstinés vaillants, des passionnés intrépides, des patriotes ardents, des réfractaires à la servitude, les radios-navigants de Saint-Jean d'Angély, les aviateurs de Saint-Jean-de-Luz, les marins de l'Ile de Sein… Au fil des années, cette légion de l'honneur, nourrie des femmes et des hommes qui rejoignirent la croix de Lorraine, a porté les armes de la France et honoré les promesses du 18 juin.

Parmi eux, n’oublions pas la flamme des Résistants mersois, n’oublions pas en ce matin Ernest Lesec et Jules Mopin, qui sont allés, en pleine conscience, jusqu’au sacrifice ultime de leur vie.
Parce que les Français libres, à Mers-les-Bains, dans tout l’Hexagone et outre-mer, n'ont jamais renoncé, nous leur rendons ce matin un hommage appuyé et nous nous inclinons devant leur héroïsme.
Oui, aujourd’hui, nous avons un devoir, un devoir de mémoire envers ces femmes et ces hommes qui ont humblement écrit l’Histoire de notre pays s’opposant à la servitude à laquelle d’autres se résignaient.
L'esprit de résistance et la foi dans l'espérance nous accompagnent toujours ; ils ont permis de relever un pays martyrisé, brisé et divisé. Cette « certaine idée de la France », chère au Général de Gaulle, est notre héritage, il nous appartient d'en être digne.

Vive la République ! Vive la France !

Brigitte FOURE
Maire d’Amiens
Vice-présidente d’Amiens Métropole
Représentation :
Matthieu BEAUVARLET
Adjoint au maire d’Amiens

Intervention de Mme Mukamusoni, présidente de l'association Centre de Mémoire et d'Histoire-Somme-Résistance et Déportation

Dans cet endroit, au moins 35 Résistants ont été fusillés par les nazis de 1940 à 1944.
Nous rendons aujourd’hui hommage à 2 Mersois tombés sous les balles de l’occupant le 02/08/1943, voilà 80 ans avec leurs 9 autres camarades. Le 3ème l’année suivante.
Parmi eux également, Maurice ROBBE, dont la famille est présente aujourd’hui.
Ce sont les 11 FTP du « groupe Michel ».
Ce matin-là, chargés dans une camionnette, assis sur des boîtes qui devaient leur servir de cercueil, ils sont arrivés ici par le passage des Martyrs.
Le plus jeune avait 17 ans.
Fusillés 2 par 2, les 1ers : Alfred DIZY dont la petite nièce est présente ici parmi nous également et Jacques WILGOS succombèrent à la barbarie à 6h07. Ernest LESEC tombe à 6h15 et Jules MOPIN à 6h34
Leur nombre étant impair, la dernière balle fut réservée au jeune Charles LEMAIRE tout seul à 6h54.
Quelle cruauté ! Dans quel état était-il après avoir vu tomber ses 10 camarades ?

La commune de Mers-les-Bains est la seule à notre connaissance, qui honore la mémoire des siens, ici même, au Poteau des Fusillés.
D’autres reçoivent cet hommage dans leurs communes d’origine comme cela a été le cas pour Alfred Dizy à Vrély et Maurice Robbe à Rosières en Santerre samedi dernier : 29 juillet.
Notre association est heureuse de se joindre à l’initiative de la commune de Mers-les-Bains dans cette commémoration.
Notre objectif demeure la construction d’un Centre de Mémoire et d’Histoire sur ce site qui a vu couler le sang de ceux qui se sont sacrifiés pour notre liberté face à la barbarie nazie.
Les familles de ceux qui ont été assassinés, ici même, attendent que le souvenir des leurs perdure dans tous les esprits car sans eux, le pays risquait de rester aux mains des occupants.
La transmission de Mémoire est très importante en cette période où des idées négationnistes resurgissent et rappellent ce douloureux passé.

La guerre est à nos frontières. Les douleurs sont identiques : destructions, exode de la population, des morts par milliers …
Il faut une structure qui rappelle le passé, aide le présent à construire un monde où règnent la paix, la liberté, l’égalité et la fraternité.
Formons le voeu que la municipalité d’Amiens et Amiens Métropole acceptent de porter le projet pour que Samariens, visiteurs de passage et surtout les jeunes générations de scolaires et d’universitaires puissent y trouver matière à perpétuer la mémoire et à dire à l’unisson PLUS JAMAIS CA !

Merci à tous d’être aux côtés de M. Delépine, seul maire à honorer la mémoire des héros de sa commune à cet endroit même où ils sont tombés comme en atteste la plaque apposée en 2019.
Merci à tous les Mersois qui se sont levés à l’aurore pour la circonstance.
Merci de soutenir les familles Lesec, Mopin, Robbe et Dizy présentes parmi nous.

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