Madeleine RIFFAUD, une parmi tant d'autres femmes engagées dans la Résistance
Publié le 14 Février 2024
On l’appelait « RAINER », en réalité Madeleine RIFFAUD, collégienne de 16 ans en 1940 ; ses parents étaient instituteurs à Folies, dans la Somme puis à Amiens ; Madeleine, poète précoce, un calvaire au bord de la route déclenche chez elle une vocation, « Le Christ est le symbole d’une liberté crucifiée ».
Après l’exode Madeleine rejoint l’école supérieure d’Amiens, par la suite, le mouvement de résistance communiste du Front National et devient « Rainer » pseudo inspiré du poète Rainer Maria RILKE. . Elle rallie son groupe F.T.P.F. où, à Paris le « lieutenant RAINER » se rend célèbre en juillet 1944 sur le pont Solférino où elle abat, sur ordre de la Résistance, un officier allemand. Par malheur, elle est capturée par un milicien et emmenée à la Gestapo.
Elle écrit : « ça y est, je suis arrêtée, on me fait monter des marches. Il me semble qu’il y a très longtemps que je monte ainsi. Chaque marche franchie m’avance plus avant dans le monde ennemi où tout sera piège, douleurs, horreurs. Un S.S. me pousse dans le dos à coups de crosse. Je ne sais à quel étage se trouve la petite salle où l’on m’interroge ce dimanche 23 juillet. Ce que j’ai vu tout de suite, c’est une fenêtre grande ouverte sur les arbres verts et puis un portrait d’Hitler sur le mur et un gros « Mauser » en presse-papier. Il y a dans cette salle quelques Allemands vert de gris et acier. L’un m’attache à une chaise, un autre me prévient aimablement : « Je vous conseille de parler de vous-même, sinon nous serons obligés d’employer d’autres moyens. Je suis professeur en Allemagne, vous êtes étudiante. C’est un conseil d’ami que je vous donne. » … Je ne sais rien. Lorsque je suis sortie du bureau, ce jour-là, j’avais le front en sang, la lèvre supérieure fendue, ma figure était marbrée d’ecchymoses, mon genou saignait, j’avais sur les jambes de gros dépôts de sang, conséquences des coups de nerf de bœuf.
C’est dans cet état, que les Allemands me remettent aux brigades spéciales. Celles-ci me rendent à la Gestapo après une semaine d’interrogatoires infructueux, si faible que je peux à peine marcher… Ici, rue des Saussaies, un gros S.S. fait entrer un jeune garçon en culotte courte : « Voici un terroriste comme vous mais il est jeune. Nous ne lui ferons pas de mal… si vous parlez. Sinon nous le battrons et ce sera votre faute. » Je ne sais rien, je vous assure. Ne le battez pas, il n’a rien fait… Il frappe l’enfant de toutes ses forces … Je deviens folle, l’enfant hurle… Il tombe, on le relève à coups de pied, il pleure… Je suis sur le point de donner un faux rendez-vous, une fausse adresse, mais l’enfant me fait signe de ne rien dire, je ne l’ai jamais revu… Puis on m’a déshabillée, on m’a plongée dans la fameuse baignoire d’eau glacée… Voiture cellulaire. Huit jours de cachot, les mains enchaînées derrière le dos. Six jours sans nourriture. Condamnée à mort, j’ai été délivrée le 17 août par le Consul de Suède la veille de mon exécution. »
En effet, lors de l'insurrection de Paris, la médiation du consul NORDLING, permet l'élargissement de nombreux prisonniers, dont Madeleine. Aussitôt, retapée, promue au grade d’aspirant, elle reprend le combat. Un train militaire allemand devait ravitailler la caserne « Prinz Eugen », place de la République, en passant par les voies de la petite ceinture. Madeleine est volontaire pour l’arrêter. Avec 3 copains de la compagnie « Saint Just », et quelques explosifs, elle piège le convoi à la sortie d'un tunnel. Son escouade fait tant de volume que les Allemands croient avoir affaire à un… bataillon et se rendent. Leur armement et leur matériel passent illico à la Résistance. Elle eut 20 ans sur les barricades de la Libération. Femme et mineure, elle ne put s'engager dans l'armée régulière. Elle s’en consola en devenant une grande journaliste.
Madeleine Riffaud, née à Arvillers, est entrée dans la Résistance, très tôt. "J'avais, dit-elle, dix-huit ans en 1942. J'appartiens à une ethnie minoritaire, celle des garçons et des filles qui avaient juste vingt ans le jour de la libération de Paris... Nous étions volontaires, nous savions ce que nous risquions, nous n'attendions aucune récompense ; nous n'avions que notre colère, notre pureté, notre amour..." En 1942, Madame Riffaud (mère) était institutrice à Folies dans le canton de Rosières (135 habitants). Le père de Madeleine Riffaud est au P.C.F. et membre de la cellule H. GABET au Faubourg de Hem jusqu’à sa mort en 1984 ; lui aussi était instituteur.
À Amiens, des femmes comme : Madeleine MICHELIS - Renée COSSIN - Marcelle SOBO - Odette AZERONDE – Georgette BACON – Mireille BONPAS – Henriette DUMUIN – Geneviève FERTEL – Jeanne FOURMENTRAUX – Julia LAMPS – Lucienne MAGGINI – Suzanne MAIGRET – Marie MARTIGUE – Antoinette ROBINE – Andrée VANMARCKE – Paulette VERDURE – Madame VIGNON – Micheline VOITURIER et tant d’autres, vont par leur dévouement, contribuer, parfois mourir, pour une juste cause. Souvent sans visage, à l’identité floue, ces quelques noms sortent de l’ombre.
Une certaine Mademoiselle GERARD ou GIRARD au n°23 de la rue de Vignacourt (en 1942) quitte Amiens où elle n’est plus en sécurité dans la Résistance. Venue s’installer à WELLES-PERENNES dans l’Oise, elle est arrêtée par la Gestapo en revenant de Paris. Elle est fusillée (lieu inconnu). Son nom est inscrit sur le monument aux morts de la commune de WELLES-PERENNES.
Jacques Lejosne
Pour découvrir la vie de Madeleine Riffaud, en bande dessinée