L'abbé LAVALLARD de Bouchoir

Publié le 1 Février 2024

Emile LAVALLARD voit le jour le 25 mai 1907 à Cramont dans la Somme.

« Ordonné prêtre le 25 décembre 1930, écrit Firmin LEMIRE en 2005 dans "Vivre Ensemble", l’abbé LAVALLARD, après sa licence en écriture sainte, est de retour dans son diocèse d’origine et professeur au Grand Séminaire. En 1934, il est nommé vicaire à saint Germain à Amiens… puis curé de Bouchoir en 1938 (et de Folies) ».

Mobilisé en 1939 il devient caporal infirmier. Après la défaite, il est démobilisé le 14 août 1940 et revient dans sa commune. 

 Agent de liaison entre les groupes résistants de Roye, Guerbigny et Rosières-en-Santerre
sous le pseudonyme de « Milou », il est un résistant actif au sein du mouvement Francs-tireurs et partisans et devient l’un des responsables du mouvement de Résistance Front national du département de la Somme. Il a à son actif le sauvetage d’aviateurs anglo-américains dont l’appareil avait été abattu. Il réceptionne également des parachutages d’armes sur le plateau du Quesnoy, comme celui fait en plein jour fin 1943.

Arrêté le 24 avril 1944, il est  emprisonné à la Citadelle d'Amiens. Viennent les interrogatoires, les coups, les privations ; Transféré au camp de Royallieu, il est déporté le 4 juin  au  camp de déportation de Neuengamme.

Philippe PAUCHET,  à l'occasion de la sortie du CD-Rom La Résistance dans la Somme, raconte comment  l’abbé LAVALLARD soutenait ses compagnons entassés dans le wagon à bestiaux les emmenant au  camp de Neuengamme : « Il a tenu pendant de longues minutes un homme à la lucarne pour que celui-ci, manquant d’air, retrouve le calme. Quand l’énervement était à son comble, il faisait chanter pour redonner espoir ».

Il est transféré à  Sachenshausen où, enregistré comme « professeur », il partage le sort de ses compagnons. Il exerce clandestinement son ministère à Falkensee dans une usine de chars et d'obus au camp de Sachsenhausen, disant  la messe avec un crucifix réalisé par un des déportés, Fernand COUDREY, à partir d’une poignée de porte et d’une croix de chapelet.

Le 18 février 1945, l’abbé LAVALLARD devait dire sa dernière messe. Atteint d’un phlegmon, il s’affaiblit de jour en jour. Le mercredi 21 février il quitte Falkensee pour Mauthausen, il périt le 13 avril 1945. au revier, ce  baraquement destiné aux malades. Il avait 37 ans. Son corps disparaîtra dans le crématoire. 

Son nom figure sur le Monument aux Morts et sur une plaque commémorative dans l'Église de Bouchoir (80). Une rue du village porte également son nom.

Voir sa fiche sur le site consacré à Mauthausen

 

Témoignage de Madeleine Riffaud dite Rainer, le 19 décembre 2021 sur son compte Facebook

Un dimanche de 1942, à Folies, j'ai rencontré l'abbé Lavallard.
Il restera pour moi un modèle.
Voici son histoire :
À 17 ou 18 ans, je ne faisais pas mon âge. J’ai passé le week-end chez mes parents, car je savais que je ne reviendrai pas de sitôt. Si mon père était anticlérical, ma mère était, elle très catholique.
Le samedi soir, elle me dit : « Viens avec moi, demain, à la messe. Je veux que tu voies ce nouveau curé. C’est un homme extraordinaire, mais il me fait peur. J’ai peur pour lui, disons. »
J'écoute son homélie et je me rend compte qu'il y dénonce les Allemands et les collabos. S’il avait fait ça à Paris, nul doute qu’il aurait été jeté en taule en moins de deux.
Après la messe, je dis à ma mère d’aller faire à manger et je me dirige vers la sacristie.
« Monsieur le curé, puis-je vous dire quelques mots ? »
« Tiens je t’ai jamais vu toi t’es nouvelle ? »
« Non j’habite à Paris et d’ailleurs, je rentre demain. Je suis la fille de l’institutrice. »
« Ah oui, je la connais. Qu’est-ce que tu veux de moi ? »
« Je viens vous dire la vérité. Vous avez dit des paroles qui m’ont rendue heureuse, évidemment. Je pense comme vous. Mais quelle imprudence ! Vous pourriez être arrêté d’une minute à l’autre. »
« Écoute, ma petite fille, tu fais ce que tu as à faire et moi je fais mon travail. Et si chacun pouvait faire ce qu’il veut, la vie serait bien meilleure. Ne te mêle pas de mes affaires. Je sais très bien ce que je fais et pourquoi je le fais. Mais assieds-toi donc cinq minutes, tu m’intéresses. Qu’est-ce que tu fais, toi, dans la vie ?»
Moi, toute fière :
« Demain je rentre à Paris et j’entre officiellement dans la résistance. »
Il m’attrape par la jupe. « Aah, mais c’est à moi de te faire des reproches ! Il ne faut rien dire. Pas même à ses parents. Et surtout pas à un prêtre. C’est le B-A-BA de la résistance. Tu as compris ? »
« Oui, ce que je n’ai pas compris, c’est ce que vous faites, vous. »
« Maintenant, ça suffit. Rentre chez tes parents. »
Il était très grand, très maigre, genre Don Quichotte. Il m’a jetée dehors en riant, dynamique.
« File ! et bonne chance ! »
Il était en charge de plusieurs églises et il se déplaçait en vélo. Sa soutane se prenait tout le temps dans le pédalier, alors il coupait le bas avec des ciseaux ! Au bout de quelque temps on voyait ses chevilles. Mais il s’en foutait. Il transportait des livres dans sa besace.
Avant il était professeur de théologie au séminaire d'Amiens mais ses engagements ne plaisaient pas à ses supérieurs. Alors ils l’avaient foutu dans les villages, en guise de sanction mais aussi en prévention.
Il faisait des discours comme ça parce qu’il espérait que quelqu'un allait l’entendre et le contacter. Ça a marché.
Il est devenu un des chefs de la résistance de la Somme.
Puis il a été arrêté et il est mort le 13 avril 1945 à Mauthausen.

 

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