Publié le 12 Février 2024

Jacques BOCHER, né à Amiens le 11 décembre 1924 ,est décédé le 12 janvier 2019.  Il a été enterré au cimetière du Petit-Saint-Jean le vendredi 18 janvier 2019. Il fut un infatigable  passeur de mémoire auprès des plus jeunes, témoignant de nombreuses fois de son parcours dans différentes classes. « Il faut témoigner, disait-il, pour éviter de reproduire les mêmes erreurs, témoigner pour ceux qui ne sont pas rentrés ».  

 « Je venais d'avoir 18 ans en décembre 1942. Dans le courant du mois de février 1943, ma mère reçoit un courrier, qui m'était adressé provenant de la kommandantur allemande. J'apprenais par ce courrier que j'étais réquisitionné pour le travail obligatoire en Allemagne (STO).  
Pour éviter des problèmes à ma famille, je suis parti avec l'intention de m'évader au moindre arrêt du train en France. Le train ne s'étant pas arrêté, je me suis retrouvé en Allemagne (ville de Bochum) dans un camp de travailleurs.

Refusant de travailler, j'ai été arrêté un matin au petit jour avec un autre camarade amiénois dont j'avais fait connaissance dans le train ; il s'appelait Raymond PECHEUR, il avait 20 ans. Nous avons été enfermés dans la prison de la ville de Bochum et condamnés à la déportation. On nous fit monter à bord d'un fourgon blindé, direction Buchenwald. J'y suis resté 3 mois (bloc 44 petit camp, matricule 6231) et ensuite la carrière. Un matin, sorti des rangs sur la place d'appel avec beaucoup d'autres camarades, nous fumes embarqués dans des wagons à bestiaux, sans nourriture ni eau, pour se retrouver dans le Ghetto de Varsovie, et logé dans la prison. Il a fallu construire, le camp n'étant pas existant (baraquements, barbelés, miradors) avec l'aide de Polonais en travaux forcés. Je portais le matricule 124. Je suis resté 11 mois dans ce camp à démolir ce qui restait des maisons en ruines. 

Nous avons subi le grand froid de Pologne. Nous cherchions dans les ruines tout ce qui pouvait nous protéger du froid (papiers, cartons et chiffons) pour doubler le dessous de notre veste de costume rayé et couvrir les pieds dans nos sabots. Le typhus se déclara dans le camp ce qui fit beaucoup de victimes.

Un matin, sur la place d'appel, ordre de quitter le camp pour une "Marche de la Mort", l'armée russe n'étant pas loin, je venais de faire 11 mois dans ce camp (KLWarchau). Cette marche a duré 3 jours sans nourriture et sans eau. Les camarades qui tombaient étaient laissés sur place et nous continuions à marcher. Ils étaient condamnés à mort. Les 2 premières nuits nous les avons passées dans un champ. Nous marchions le troisième jour depuis le matin quand la colonne s'arrêta brusquement. Les SS venaient d'apercevoir des wagons à bestiaux sur une voie. On nous fit monter dans ces wagons ; après quelques heures de trajet le train s'arrêta, nous étions devant l'entrée du camp de Dachau quand les wagons se vidaient en laissant beaucoup de morts à l 'intérieur.

Moi-même ne pouvant me tenir debout, pour moi c'était la fin du trajet. Je fus transporté au revier du camp, un médecin français s'y trouvait, il m'a pris en charge et m'a remis sur pieds, mon matricule était 90792. Je suis resté 4 mois dans ce revier et je suis reparti dans un transport wagon à bestiaux sans nourriture et sans eau ; direction le camp de Blaichard, Kommando extérieur de Dachau dans 1e Tyrol Autrichien. Je suis resté 7 mois, je travaillais dans une usine (BMW).   Un matin sur la place d'appel nous évacuons le camp pour une seconde marche de la mort, direction le Col du Brenner où une jeunesse hitlérienne nous y attendait.

Nous traversons une forêt immense, touffue, je me suis évadé avec 3 camarades, pris en chasse par les SS et leurs chiens ; quand nous nous sommes retrouvés devant un cours d'eau descendant de la montagne nous nous sommes jetés dans cette eau, ce qui fit perdre notre trace, trouvant au passage un abri de bûcherons, nous y avons passé la nuit afin de nous reposer et au petit matin nous sommes redescendus de la montagne et avons  retrouvé une route qui était la direction qui allait vers le camp que nous avions quitté. Celui-ci n'étant plus gardé par les SS, nous nous y sommes cachés pendant 3 jours.

Un camarade faisait le guet sur le toit et nous avertirait lorsqu' arriveraient des chars. Cette fois, c'étaient les chars Leclerc, nous étions libérés.  Nous avons attendu quelques jours pour être rapatriés et nous nous sommes mis à la recherche de quelques vêtements plus chauds afin de remplacer notre tenue rayée. Notre retour en France s'est effectué en G.M.C, la traversée du Rhin la nuit et retour par le train direction Paris. Après les examens obligatoires gare de l'Est, Hôtel Lutétia et Amiens pour retrouver mes parents qui ne pensaient plus me revoir.  Quand à mon camarade Raymond PECHEUR, il n'a pas eu ma chance, il est décédé à Dora. Ma déportation a duré 25 mois, j’avais 20 ans et ne pesait plus que 37 kilos ».  

Pour entendre plusieurs  témoignages de Jacques
BOCHER

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Publié dans #In memoriam

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Publié le 12 Février 2024

J’avais été amenée à évoquer la disparition de notre instituteur, un matin de juin 1943, à l’école où j’étais alors en CM2, qui ne nous avait laissé, qu’un au revoir transcrit au tableau. (Il nous demandait d’être « de bons élèves » et « d’aimer notre pays. ») J’avais 10 ans. Ce fait ne cessa de m’interroger sur ce maître dont la personnalité jeune m’avait marquée.

Je pense que je lui dois aujourd’hui deux livrets, aussi complétement que possible, la vérité sur son parcours tragique, car les informations m’ont été communiquées par Monsieur Leleu qui s’adonne à des multiples recherches. Merci à lui !

René KIPPFEL, né en 1922, est pupille de l’Assistance Publique ; devenu instituteur, il est nommé à l’école d’Equancourt en octobre 1942. Requis pour le STO le 17 juin 1943, il décide de s’y soustraire en gagnant l’Angleterre (via l’Espagne). 

Le récit est assurément long…, mais il m’importait de transcrire le plus exactement possible le destin tragique de notre jeune maître qui nous avait quittés ce matin de juin, laissant comme seule trace un message écrit au tableau. A 5h du matin, en gare d’Ytres, (à l’est de la Somme), il part, muni de faux papiers, à destination de l’Espagne. Mais, le 23 juin, arrêté à Biarritz, il est interné puis transféré au camp de regroupement de Royallieu. 

Parti en wagon à bestiaux avec le « convoi des 2.000 », il arrive le 4 septembre à Buchenwald et devient le matricule 20495. Le 29 septembre 1943, affecté au commando de Dora, il est alors contraint de travailler sous terre (12h par jours) au creusement de l’usine souterraine A4 – V2 (c’est  la période appelée « l’enfer de Dora ») entre septembre 43 et avril 44, où la durée de survie d’un détenu n’excède pas 12 semaines et 50 à 80 détenus succombent chaque semaine suite aux conditions de travail et au manque de soins.

Il réussit à envoyer deux cartes à Monsieur PRONIER, maire de Mézerolles pour sa famille d’accueil… En janvier 44, gravement malade, il est jugé inapte au travail et « inutile » à Dora. Les SS décident de s’en débarrasser en l’envoyant au camp mouroir de Lublin-Majdanek, par le deuxième convoi de 1.000 malades en wagons non bâchés. C’était le 6 février 1944. Il est porté disparu à compter de ce jour, soit décédé de maladie et de froid, soit exécuté par ses gardiens. (Les colis envoyés en Allemagne par les enfants de l’école et leurs parents sont revenus à leurs expéditeurs). L’office national des victimes de guerre fixe sa mort au 11 février 1944.

Le récit est assurément long…, mais il m’importait de transcrire le plus exactement possible le destin tragique de notre jeune maître qui nous avait quittés ce matin de juin, laissant comme seule trace un message écrit au tableau

Ce message resta longtemps. Il était venu avec la mission de nous enseigner, je dois dire que ces faits encore aujourd’hui me marquent et m’enseignent ! Merci Monsieur LELEU, pour toutes vos patientes recherches : elles nous permettent de garder vivante la mémoire de ceux qui croyaient en l’homme libre… 

Texte de Rolande DAZIN adhérente 

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Publié dans #In memoriam

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Publié le 9 Février 2024

 

Henri MOISAN est né le 7 novembre 1894 à Paris. Installé boulevard Jules Verne à Amiens ; il y est commerçant en engrais et céréales. Il adhère à la SFIO en 1925.

Dès 1942, il entre à l'OCM (mouvement l'Organisation civile et militaire) et rejoint le réseau Centurie. Il est aussi membre du mouvement Libération Nord. Ses activités résistantes sont multiples. Il aide les réfractaires en leur fournissant de faux papiers et de faux tickets de rationnement. Il recueille des aviateurs alliés dont il facilite l'exfiltration vers l'Espagne. Il recueille de nombreux renseignements sur les mouvements des troupes allemandes. Il profite des déplacements à Paris qu'impliquent ses activités professionnelles pour transmettre ces renseignements.

Une des premières réunions visant à unifier la Résistance se tient à son domicile. Le 3 août 1943, il est arrêté par la Gestapo puis relâché. De nouveau arrêté à la fin du mois de janvier 1944, il est interné à la prison d'Amiens. Lors du bombardement de la prison d'Amiens le 18 février 1944, il se retrouve enfoui sous les décombres. Dégagé par les services de la "défense passive", il est dirigé chez son beau-frère, le docteur FILACHET. Ce dernier soigne Henri MOISAN et transmet aux autorités des communiqués le présentant comme mourant. Lorsque son état de santé le permet, il l'envoie à Cardonnette chez une amie, Renée BOUCHERY où il termine sa convalescence. Membre du comité local de libération d'Amiens,

Henri MOISAN est nommé, dès 1944, à titre provisoire, conseiller général et conseiller municipal d'Amiens, représentant de l'OCM dans ces assemblées. Candidat socialiste sur la liste d'union PC, SFIO, Parti radical, il est élu conseiller municipal en 1945. En 1946, il quitte la SFIO et abandonne son mandat. Henri MOISAN, comme beaucoup de membres de l'OCM, adhère à l'Union démocratique et socialiste de la Résistance (UDSR).

En 1947, il est l'un des fondateurs, à Amiens, du RPF. En 1959 et en 1965, il est à nouveau élu conseiller municipal sur la liste SFIO-CNIP-MRP conduite par Maurice Vast. Il ne se représente pas aux élections municipales de 1971.

Henri MOISAN est titulaire de la croix de guerre 1939-1945 avec étoile de bronze, de la médaille de la Résistance, de la médaille commémorative française de la guerre 1939-1945 avec la barrette "Libération" et de la carte de combattant volontaire de la Résistance.

A consulter aux Archives départementales de la Somme :

- ADS, 79W112/1894, W, Carte de combattant volontaire de la Résistance. Dossier de Henri Moisan.

- ADS, 79W135/2648, W, Carte de combattant volontaire de la Résistance. Dossier de Maurice Vast.

Voir également la fiche  dans le dictionnaire biographique Le Maitron

Voir la fiche dans le  DVD-Rom La Résistance dans la Somme coordonné par Philippe Pauchet et édité par la Fondation de la Résistance - département AERI.

 

 

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Publié le 9 Février 2024

Henri GABET est né à Amiens le 5 juillet 1909 dans le quartier du  faubourg de Hem, au 23 de la rue Robert Lecoq.

Ouvrier chez Cosserat, militant au P.C.F., syndicaliste à la C.G.T., fut l’un des artisans de la reconstitution clandestine du Parti communiste sur Amiens et dans la Somme avec Eugène BECART et Arthur MASSON. Il créa avec  Arthur MASSON des jardins ouvriers dans le quartier, une façade pour installer en réunion la Résistance.

Il est arrêté à Amiens en octobre 1941, pour avoir distribué des tracts de propagande contre Pétain et Vichy. Il sera interné dans un camp de surveillance administrative à la Citadelle de Doullens, où un certain nombre de militants politiques de la Somme furent incarcérés dès le  6 octobre 1941 pour  propagande communiste. 

On trouva sur lui une lettre destinée à MASSON, sans son adresse. Il fut battu en présence des Allemands, puis transféré à la prison d'Amiens pendant quinze mois avant d'être condamné à trois mois de prison et transféré à la Centrale Pénitencière d'Eysses (Lot-et-Garonne), puis reconduit à Compiègne pour le grand  départ : en juin 1944, 1.200 internés sont déportés à Dachau.

Henri portait le matricule 73479 avant de connaître le camp central de Mauthausen en Autriche où des milliers d'hommes vont mourir d'épuisement. Arrivé le 14 août 1944, il décède  le 11 avril 1945.

Sa carte de déporté politique sera remise à sa mère Marie.  La maison des GABET fut encore longtemps habitée par la famille au faubourg de Hem. Maintenant, seul le nom d'Henri GABET figure sur le mur extérieur d'une salle du quartier.  

Cela est bien peu pour une personne qui a légué son existence pour les libertés de tous et l’indépendance de la France.

Jacques Lejosne

Voir également la fiche dans le dictionnaire biographique Le Maitron

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Publié le 9 Février 2024

Né à Amiens en 1913, Georges Matifas a été arrêté le 3 mai 1944, torturé et exécuté par les Allemands. 
Dès l’invasion allemande en 1940, il aide, avec son camion rouge, à l’évasion de soldats échappés des camps de concentration pour les conduire en lieux surs et transporte des armes, des munitions, distribue tracts et journaux antinazi et prend de gros risques.

Fin 1942, Georges s’engage dans la Résistance, devient chef de réseau FTPF sous le nom
de « Sylvestre » matricule 3444-17. (Francs-tireurs et Partisans Français), mouvement créé par le parti communiste fin 1941.

Le 3 mai 1944, il quitte sa femme pour prendre son travail en gare où il est commissionnaire. Alors qu’il transportait des armes. il est arrêté par Lucien Pieri et Mme Grellet-Bourges (maitresse de différents Allemands) pour faits de politique avec appartenance au Front National de l’Indépendance de la France, branche du CNR (Conseil National de la Résistance).

Torturé à la Citadelle, puis conduit à l’Hôpital Philippe Pinel où il subit les pires sévices, (visage tuméfié, mains allongées par l’étau, nez écrasé) avant d’être fusillé le jour de ses 31 ans dans la nuit du 25 au 26 mai 1944.

Son corps sera retrouvé 4 mois plus tard avec trois autres Résistants par Robert Perque et Mathieu Nys, employés tous deux de l’Hôpital Pinel.

Une rue de Rivery a été baptisée à son nom en 1945. Une plaque commémorative a été posée en 2003 à l’hôpital Pinel  en hommage aux quatre résistants fusillés.  Georges Matifas obtint à titre posthume la croix de guerre et la carte de combattant volontaire de la Résistance.

*

Cet article est le résultat des recherches menées par Françoise et Jackie Fusillier  avec notamment leur rencontre avec Lydia Vaquette, petite-fille de Georges Matifas.

Voir également la fiche dans le dictionnaire biographique Le Maitron

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Publié le 3 Février 2024

Jacques de GUILLEBON, né le 13 octobre 1909 à Lunéville,  est un ancien élève de l’Ecole polytechnique. Après avoir rallié le général de Gaulle, il participe au ralliement du territoire du Tchad à la France libre en août 1940. Il est nommé chef d’état-major de la colonne Leclerc en novembre 1942. Il participe à la campagne de Tunisie où il est blessé par un obus. Rapatrié en Angleterre, il débarque en Normandie le 1er août 1944.

Le 21 août 1944, il est envoyé par Leclerc à Versailles pour tester la résistance des troupes allemandes, mission qui a permis la libération de Paris par la 2ème DB et les troupes alliées. De Guillebon est l’un des premiers à entrer dans Paris.

Il réussit à libérer neuf villages entre le 31 octobre et le 1er novembre 1944, capturant plus de 300 prisonniers. Il entre dans Strasbourg, avec un bataillon américain, par les ponts d’Ill et obtient la reddition de tous les blockhaus. Il a terminé la guerre à Berchtesgaden où il a fait flotter le drapeau français.

Il est nommé Compagnon de la Libération le 14 juillet 1941.  est décédé en 1985 à l’âge de 76 ans

Pour accéder à sa biographie sur le site de l'ordre de la Libération

François de GUILLEBON, frère du précédent est né à Amiens en 1901. Polytechnicien comme son frère, il était capitaine de réserve mais a travaillé dans le civil. Au début de 1943, il devint l’adjoint du Commandant Christiaens pour la mise en place, dans le Nord, d’un Bureau de sécurité militaire clandestin. Une imprudence d’un membre de l’Organisation entraine l’arrestation du commandant CHRISTIAENS puis le 12 décembre 1943, celle de François de GUILLEBON qui est emprisonné à Loos (Nord).

Après les camps de Compiègne, Auschwitz et Buchenwald, il est incarcéré au camp de Sachsenhausen- Orianenburg. Attaché au travail de nuit dans les usines de Klinker de sinistre réputation, c’est au repos dans les baraquements avec ses camarades qu’il est tué par les bombardements alliés le 10 avril 1945 alors qu’il essayait de dégager l’un de ses compagnons. Il est fait chevalier de la légion d'honneur à titre posthume

Le 2 septembre 2018, après la cérémonie de commémoration du 74ème anniversaire de la libération d’Amiens, une plaque honorant François et Jacques de GUILLEBON a été dévoilée au square Saint Denis à Amiens.

Le 25 mars 2023, au pied du monument du maréchal Leclerc, place René Goblet, deux stèles ont été dévoilées à la mémoire de Jacques de GUILLEBON, enterré à Essertaux, au sud d’Amiens et de Jean CREPIN, né à Bernaville, tous deux Compagnons de la Libération.

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Publié le 3 Février 2024

Photographie fournie par Philippe Pauchet

Le 31 Août 1944, vers 9h30, Georges QUARANTE et ses camarades résistants décident de sauver le pont de Montières afin de permettre le passage des blindés alliés.  Les Allemands retranchés dans la maison de l’éclusier ouvrent le feu sur eux. A l’arrivée des premiers chars britanniques un Allemand se précipite sur le pont pour mettre le feu aux mines, Georges QUARANTE saute sur lui pour le désarmer avant qu’il ne puisse faire usage de son lance-fusée et avec J. GUILBERT  coupe les cordons reliant les mines au pont. 

Dans l’après-midi, ayant appris qu’il restait un nid de résistance allemand dans le hangar de la ferme Dollé à Longpré, Georges QUARANTE et ses camarades retournent au combat. Il est atteint mortellement d’une balle en plein cœur.

Georges QUARANTE avait 34 ans, il était né le 25 janvier 1910.Vivant dans le quartier de Montières, il était père de six enfants. Militaire de carrière. Il fut démobilisé le 27 novembre 1942 avec le grade d’adjudant-chef. Après plusieurs emplois, il est embauché à la SNCF comme auxiliaire à Amiens.  Fin août 1944, il entre dans la Résistance et prend la direction d’un groupe de corps francs de l’ORA (Organisation de Résistance de l’armée), à Dreuil-lès-Amiens.

Une école du quartier d'Etouvie et une rue du quartier de Montières portent le nom de Georges QUARANTE.

Pour consulter sa fiche dans le dictionnaire biographique le Maitron

Edmond FONTAINE, ouvrier charpentier,  vit le jour dans le quartier Saint Leu à Amiens en 1899. Il était lui aussi de l'O.R.A. Muni d'un simple révolver et de quelques balles il s’était engagé pour préserver, avec Georges Quarante, le pont de l'écluse. Il sera abattu à Longpré-les-Amiens et inhumé au cimetière de la Madeleine comme inconnu, ayant été retrouvé dépouillé de ses papiers.

Une rue du quartier Saint Leu, anciennement impasse des Passementiers, porte son nom

Une stèle sur le pont de Montières rappelle le sacrifice de George QUARANTE et d'Edmond FONTAINE. Tous les ans une cérémonie se déroule en hommage à leurs actions.

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Publié le 3 Février 2024

Arthur LECOINTE est né à Pierrepont-sur-Avre dans la Somme (à une trentaine de kilomètres d’Amiens) le 11 juillet 1911. Alors qu’il n’a que deux ans, Arthur perd son père puis sa mère peu de temps après. A sa majorité il vient habiter à Allery où il trouve une seconde mère qui lui redonne confiance.

Arthur et la Résistance.

Arthur vit mal l’occupation, il veut aider son pays et il sait que des groupes de Résistants se constituent, pas très loin de chez lui. Après s’être fait connaître auprès du responsable régional, Arthur prend en charge la phalange de la région d’Hallencourt, 4ème secteur, Sud A1. Il devient le responsable cantonal sous le commandement de Jean FUZELIER dit « Gros Jean » et de LOISY-JARNIER.

Lui-même prend le pseudonyme de « Jarnik ». Il sait qu’il prend beaucoup de risques, qu’il met peut-être sa famille en péril, que les Allemands ne font aucun cadeau aux « terroristes » ; d’ailleurs beaucoup perdront la vie. Dans un premier temps il est rattaché à la 3ème compagnie d’Allery, F.T.P Vimeu sous l’autorité de LOISY-JARNIER. Du 1er août 1940 à mars 1942 il aide des prisonniers français et des réfugiés à passer la ligne de démarcation installée à Pont-Remy.

Arthur s’implique beaucoup, prend énormément de risques. Il communique avec les chefs des renseignements sur les emplacements des rampes de lancement de V1, notamment ceux installés à Neuville-aux-Bois. Arthur, s’implique de plus en plus, il est au centre d’un sabotage de la ligne téléphonique reliant Hocquincourt à Airaines. Soupçonné, il est convoqué à la Kommandantur où il défend la thèse de l’accident, en prétextant qu’étant employé des ponts-et-chaussées, il avait malencontreusement sectionné le fil en taillant une haie ! Une autre fois il subit un interrogatoire suite à l’attaque d’une ambulance allemande. Ayant du mal à justifier sa présence dans les parages de l’attaque, il fut menacé d’un revolver par un officier allemand qui lui mima ce qui lui arriverait s’il faisait le moindre geste. Il eut très peur ce jour-là, pensant que son heure était arrivée, il se souvient avoir vu passer tous les siens devant ses yeux.

Ses actions de bravoure ne s’arrêteront pas là. A la Libération il était encore en première ligne en compagnie de plusieurs Allérois pour stopper puis faire prisonniers les derniers allemands encore présents dans la région, notamment à Allery. Cinquante ans après, lors de la cérémonie du cinquantenaire de la Libération du village, c’est lui qui raconta à la population, avec beaucoup de précision et d’émotion, les derniers faits d’armes qui se sont produits ce jour-là.

Arthur fut maintes fois récompensé pour son engagement envers la Patrie.

Christian Leguay

Voir également la fiche consacrée à Arthur Lecointe dans le dictionnaire biographique Le Maitron

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Publié le 3 Février 2024

 

Monument aux morts de Rosières (photographie : Martine Vasse)

Benjamin WAJNBERG  est né le 3 mai 1900 à Rowno en Pologne. En 1924  il vient en France suivre des études de médecine à la Faculté de Nancy et obtient son doctorat en 1929. Il a été alors rejoint par sa fiancée Chasia, sa cadette née le 11 septembre 1904 à Ajzenberg (Pologne), qu’il épouse le 16 mai 1930 à Rowno.

Pour pouvoir exercer comme médecin, il doit passer à plus de 30 ans le baccalauréat qu'il réussit en 1932. Sa femme et lui obtiennent leur naturalisation fin 1932. Ils viennent s'installer en 1934 à Marcelcave, où Benjamin WAJNBERG prend la succession d’un officier de santé. Le 21 avril 1935 naît leur fils, Jean-Louis. La famille déménage ensuite  à Rosières-en-Santerre où Benjamin WAJNBERG   assure aussi des consultations.

Benjamin WAJNBERG est mobilisé en septembre 1939 comme médecin-auxiliaire. il participe à la campagne de France durant laquelle il gagne la croix de guerre avec citation. Redevenu civil après le 10 juillet 1940, il espère pouvoir prendre son activité. Mais si, dans un premier temps, il obtient une dérogation pour exercer comme médecin juif, le couperet tombe en novembre 1943 : il lui est interdit d'avoir toute activité. La famille habite alors Rosières en Santerre.
Benjamin WAJNBERG ,  sa femme Chasia et son fils Jean-Louis sont arrêtés chez eux le 4 janvier 1944. Comme tous les Juifs recensés dans la Somme raflés ce jour-là, soit 27 personnes, ils sont conduits à Drancy et déportés le 20 janvier dans le convoi 66 pour Auschwitz.

Benjamin avait 43 ans, son épouse 39 et Jean-Louis pas encore 9. Ce dernier et sa mère ont vraisemblablement été assassinés dès leur arrivée le 23 janvier 1944. Benjamin a survécu quelques mois. Sa présence à l'infirmerie du camp d'Auschwitz II-Birkenau est attesté le 3 mai 1944. La date de son décès n’est pas connue.

Nous devons toutes ces informations à madame Martine VASSE  qui a publié un ouvrage Les WAJNBERG, une famille assassinée téléchargeable sur le site des Archives départementales de la Somme.

A la suite de la diffusion de son ouvrage, Martine VASSE  reçoit divers témoignages. Une première personne se souvient du docteur WAJNBERG  connu comme "un excellent praticien" à la "clientèle nombreuse et élogieuse" et de "l’image de leur fils contraint de porter l’étoile jaune", soulignant que "sa maîtresse ne tarissait pas d’éloges à son sujet. Son intelligence, sa vivacité et sa gentillesse étaient, disait-on, tout à fait exceptionnels" Une seconde personne a gardé en mémoire les circonstances de l'arrestation de Jean-Louis, "Mme Cathelin, a essayé de le camoufler dans la classe de son mari, qui avait l’autre classe. M. Cathelin a essayé de le cacher sous une table, mais les soldats l’ont trouvé tout de suite et l’ont emmené."

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Publié le 1 Février 2024

Angelina DENISE née CARLEVARIS,  habite à Amiens dans le quartier Saint-Pierre avec son mari, cheminot, et leur fils Jean. Angelina DENISE est employée aux écritures à la mairie de Rivery toute proche. C’est par l’intermédiaire de Raymond BERTOUX collègue cheminot de Mr. Denise, qu’Angelina Denise, 22 ans, entre en contact avec Anita BONSTAT en 1942 qui, vivant à Paris , souhaitait mettre à l'abri ses deux filles Rachel et Hélène, âgées respectivement de 8 et 3 ans. Le mari d'Anita, Charles, et leur fils Joseph avaient réussi à passer en zone libre au début de la guerre et vivaient cachés à Lyon.

Angelina DENISE part donc à Paris avec Raymond BERTOUX, profitant du déplacement pour aller porter du ravitaillement à Renée, la cousine de son mari, la mère de la marraine de Jean, Mauricette, et à sa tante Blanche qui habitaient Montreuil à la Croix de Chavaux.

Le lendemain, après avoir livré son ravitaillement, Angelina DENISE rejoint Anita qui lui confie ses deux filles. Quand elle les  ramène à la maison,  son mari s'écrie "Tchot’ Dine tu nous feras tous fusiller !  et Angelina de lui répondre "Tant pis si on se fait tous fusiller, mais moi je ne les laisse pas". Angelina DENISE leur installe un "lit-cage" sur le palier du 1er étage.

Devant les risques croissant de déportation à Paris, Anita rejoint ses filles à Amiens. Angelina, grâce à son travail à la mairie, obtient de fausses cartes d’identité algériennes - territoire non contrôlé par les allemands et donc sans vérification possible -  et des cartes d’alimentation. Comme Anita était très brune de peau et qu’elle avait un fort accent, cela ne  posait pas de problème de la faire passer pour une Algérienne.

Angelina DENISE leur trouve un logement et les filles sont scolarisées à la "Sainte Famille", une école catholique d’Amiens afin de mieux tromper l’ennemi. Quelque temps plus tard leur maison est bombardée elle aussi et incendiée. C’est encore Angelina DENISE qui trouve, en Normandie, une famille pour accueillir les filles. Anita vit quelque temps dans la clandestinité jusqu’à ce qu’un habitant de leur rue, un inspecteur de police qui s’appelait BRASSEUR (ou Vasseur), la fasse arrêter. Angelina DENISE va la visiter avec son fils Jean à la prison d’Amiens, route d’Albert.

Anita réussit à s’enfuir à l’occasion de l’opération Jéricho* et, de nouveau, Angelina DENISE fait le nécessaire pour qu’elle puisse se cacher.

Le jour de la Libération d’Amiens, l’inspecteur Brasseur se joint aux F.F.I. qui donnaient l’assaut à la citadelle et... reçoit une balle dans le dos...

Après la Libération, en attendant que la famille BONSTAT trouve un logement, les deux filles reviennent habiter chez Angelina DENISE quelque temps.

Finalement la famille s’installe rue des Pyrénées à Paris où le père, Charles, exerce le métier de tailleur. Anita vend des tissus. Les deux familles restent en contact et l'amitié  perdure. Les DENISE vont les voir à Paris.

Angelina Denise emmène Rachel puis Hélène en vacances en Italie, dans sa région natale, à la fin des années 1940 et au début des années 1950. Anita meurt en 1999 à l’âge de 87 ans, deux ans après son mari Charles. Hélène partie vivre en Israël, dirigera un kibboutz. Elle meurt en 1991 pendant la guerre du Golfe. Joseph et la petite sœur Suzanne, née en 1946, restent vivre en France.

Rachel épouse Lewin part vivre au Canada, dans l’Ontario, dans les années 1970. Avec son mari qui est chirurgien, ils ont deux fils : Marc qui vit aux États-Unis et Mike qui est au Canada.

Dans les années 1990, Angelina remariée avec M. LEVEUGLE, écrit à Rachel pour l'informer que les personnes qui avaient sauvé des Juifs pendant la guerre étaient honorées par le titre de "Juste parmi les Nations".

Rachel établit alors les papiers nécessaires à la présentation de son dossier. Angelina DENISE LEVEUGLE reçoit le Diplôme d’Honneur et la Médaille des Justes correspondante dont la devise est  "Quiconque sauve une vie sauve l’univers tout entier". Ce diplôme lui avait été attribué par la "Commission aux Justes des Nations, nommée par l’Institut Commémoratif des Martyrs et Héros Yad Vashem" en sa séance du 26 janvier 2000 à Jérusalem.

La médaille et le diplôme lui sont remis le 21 janvier 2001 en l’hôtel de ville de Nesle dans la Somme. Jean, Joseph, Suzanne et Rachel venue du Canada assistent à la cérémonie. Rachel fait un discours et écrit aussi un poème.

Le 11 novembre 2007, Angelina LEVEUGLE reçoit les insignes de Chevalier de la Légion d'Honneur. Elle s’éteint le 16 janvier 2010 à l’Hospice Saint-Victor à Amiens à l'âge de 90 ans.

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*l'opération Jéricho : nom donné à un raid aérien effectué le par la "Royal Air Force" qui bombarde la prison d'Amiens.

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