La bataille du 18 au 20 juin 1940 à la Madeleine
Publié le 15 Février 2024
Gabriel LAOUT, mon père, soldat dans le 2ème bataillon du 161ème R.I.F., est parti le 24 août 1939 rejoindre la caserne de Boulay en Moselle. Durant 10 mois ce bataillon a consolidé la Ligne Maginot dans sa partie sud, près de Ricrange, élevant les murs en béton, creusant tranchées et abris. Les soldats devinrent maçons et terrassiers, pour construire cette barrière réputée infranchissable, orgueil de la France. Elle y a consacré une grosse partie de son budget militaire.
« Ils ne passeront pas », telle était la devise du Bataillon !
Le 10 mai 1940, Hitler a décidé d’envahir la France là où ne l’attendait pas la défense nationale. Il a contourné la ligne par les Ardennes et par le sud. Le Gouvernement de notre pays s’est montré bien minable à l’heure de l’affrontement.
Le 13 juin, pour éviter l’encerclement, le bataillon sous les ordres du commandant EYMERIT, est sorti de cette ligne Maginot devenue inutile pour affronter l’ennemi qui arrivait au sud de Nancy. Les hommes ont parcouru près de 100 km, la rage au coeur, à la hâte, et se sont retrouvés au lieu-dit « La Madeleine », à Laneuveville devant Nancy.
A cet endroit, un magnifique Pont-canal de la Marne au Rhin enjambe la Meurthe. La mission du 161ème R.I.F. était d’empêcher les Allemands de franchir ce pont. Ils l’ont accomplie avec panache du 18 au 20 juin, c'est-à-dire après la chute de Paris et la reddition voulue par Pétain le 17 juin.
Sur les 550 soldats, 54 furent tués. On évalue à 4000 le nombre d’obus tirés par l’ennemi.
11 bateaux qui ont tenté la traversée ont été coulés et les pertes ennemies dues à la configuration du terrain et à la défense valeureuse ont été terribles, on parle de 700 hommes mis hors de combat. Le 20 juin à 4 heures du matin, les Français, sans munitions, ont baissé les armes.
Les Allemands en colère devant cette défense héroïque ont empêché les Français d’enterrer les morts dans le cimetière communal et jetèrent leurs objets personnels dans les latrines de l’usine située à cet endroit. La courageuse institutrice de La Madeleine, madame LOUIS, alla se plaindre auprès des officiers allemands qui ont obligé les malfaiteurs à les repêcher ! Elle fabriqua alors des sacs qu’elle a envoyés dans les familles et les habitants ont construit un enclos qu’ils ont toujours fleuri. Ils les appelèrent les premiers résistants de France.
Sitôt la reddition, les soldats du 161ème R.I.F. ont pris le chemin des stalags.
Après 5 années derrière les barbelés, mon père est mort en janvier 1945, épuisé, peu de temps avant l’arrivée des Américains.
Ce récit nous a été raconté par deux passionnés d’histoire, Jacques MANGENOT et François CLAUVELIN Je possède la copie d’un témoignage de mon père qui se trouve à la Croix Rouge internationale de Genève. C’est ainsi que j’ai pu emmener deux de mes petits-enfants à l’endroit où il s’est battu. Monique et moi avons retrouvé son dossier médical dans une caserne à CAEN.
J’ai 84 ans. Depuis 80 ans, ceux qui évoquent la débâcle de 1940, oublient un peu trop facilement les milliers d’anonymes qui ont défendu l’honneur de la France.
Jean-Marie LAOUT adhérent